Les rapports de domination / soumission : la domination masculine
La domination sociale est un thème récurrent dans le cinéma, qui montre souvent des figures dominantes (patrons, nobles ou figures parentales) qui imposent leur autorité sur des personnages subalternes ou marginaux. Dans le cinéma muet, les hommes dominants sont des figures clés, souvent représentées comme des patriarches autoritaires, des figures héroïques imposantes, ou des pervers manipulateurs. Leur domination peut être physique, psychologique ou symbolique, et s’inscrit dans des dynamiques de pouvoir complexes, parfois teintées d’une esthétique ou d’une thématique proche du BDSM, et qui s’exprime notamment par les costumes et postures (uniformes militaires, capes, redingotes ou habits d’aristocrates qui renforcent leur stature dominante), les lumières et le cadrage (les hommes dominants sont souvent filmés en contre-plongée ou éclairés pour accentuer leur aura de pouvoir), et les expressions faciales (l’intensité du regard et des expressions exagérées qui renforcent leur contrôle émotionnel et psychologique).
Les aristocrates autoritaires : les nobles et les hommes de pouvoir dans le cinéma muet sont fréquemment représentés comme des figures imposantes exerçant une domination sur leur entourage, souvent accompagnée de costumes somptueux symbolisant leur statut. Un bon exemple est Lord Barkilphedro dans L’Homme qui Rit (1928) : le cruel aristocrate exerce un contrôle sadique sur Gwynplaine et Déa, renforçant le contraste entre sa froideur et leur innocence.
Les héros mythologiques et historiques : les hommes dans des récits épiques ou historiques sont souvent représentés comme des figures dominantes, dont la force physique et le charisme imposent le respect et la soumission. Ainsi le personnage principal de Ben-Hur (1925), bien que héros positif, montre sa domination dans des scènes comme la course de chars, une démonstration de puissance et de contrôle. Dans Maciste (1914) et ses suites, Maciste est un héros musclé et dominateur, incarnant l’autorité physique et morale dans des situations où il sauve ou punit.
Les figures démoniaques ou diaboliques : les personnages maléfiques ou surnaturels dans le cinéma muet jouent souvent un rôle de dominateurs dans des relations sadomasochistes implicites, utilisant leur pouvoir pour soumettre physiquement ou psychologiquement leurs victimes, notamment dans les films expressionnistes de Murnau. Dans Nosferatu (1922), le comte Orlok exerce une domination terrifiante sur Ellen, jouant sur une tension à la fois sexuelle et vampirique. Et dans Faust (1926), Méphistophélès est une figure de domination psychologique, manipulant Faust dans un pacte infernal et exerçant son pouvoir à travers des rituels et des jeux de contrôle.
Les savants fous et les manipulateurs : ces personnages incarnent une domination intellectuelle et psychologique, souvent teintée de sadisme. Leur pouvoir repose sur leur capacité à manipuler ou à expérimenter sur leurs victimes. Par exemple dans Dr. Mabuse, le joueur (1922), le Dr. Mabuse est une figure de domination mentale et psychologique, manipulant ses victimes et utilisant son intelligence pour soumettre ses adversaires. Dans Dr. Jekyll et Mr.Hyde (1920), Hyde représente la domination brutale et sauvage, tandis que Jekyll illustre un contrôle plus subtil, mais tout aussi puissant, sur son entourage.Et dans Metropolis (1927), Rotwang, l’inventeur, est un manipulateur qui exerce son pouvoir à la fois sur Maria et l’androïde qu’il crée à son image, et sur toute la société.
Les patriarches familiaux : les hommes à la tête de familles ou de dynasties sont souvent des figures dominatrices, imposant leur volonté aux femmes et aux plus jeunes membres de leur entourage. La Terre (1930), de Dovjenko, montre des patriarches imposants, représentatifs d’un temps où l’autorité masculine est centrale. Le représentant de la loi, tel Javert dans Les Misérables (1925) est une autre figure d’autorité impitoyable et inflexible, incarnant une domination oppressive.
Les séducteurs dominants : certains hommes dominants utilisent leur charme et leur pouvoir émotionnel pour manipuler les femmes. Ces figures associent domination psychologique et séduction. C’est le cas de nombreux rôles interprétés par Rudolph Valentino, comme dans Arènes Sanglantes (1922) ; où il exerce une domination passionnelle sur les femmes, mêlant charme et intensité, ou dans Le Cheik (1921), où le personnage du cheikh domine émotionnellement et physiquement l’héroïne, dans un mélange de séduction et de contrôle. Il adopte une posture ferme et autoritaire pour imposer sa volonté,et sa domination passe également par des gestes précis et mesurés, sans précipitation, qui reflètent une confiance totale. Dans la suite Le Fils du Cheik (1926), cette domination est poussée jusqu’au viol (non montré à l’écran).
Les chefs de gang et criminels : les leaders criminels, souvent charismatiques et imposants, incarnent une domination brutale, reposant sur la peur et la violence. Par exemple dans Les Vampires (1915), Le Grand Vampire, chef du gang criminel, est une figure de pouvoir qui contrôle ses acolytes, y compris Irma Vepavant que celle-ci devienne à son tour une figure dominante. Dans Les Nuits de Chicago (1927), Bull Weed est un chef de gang qui impose son autorité par la force, dans une dynamique où il contrôle à la fois ses ennemis et son entourage.