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Le BDSM dans les films de Walt Disney

Cela peut sembler une drôle d’idée d’étudier le BDSM dans les films de Walt Disney, mais si l’on adopte une lecture symbolique et psychanalytique, certains éléments récurrents peuvent évoquer des dynamiques de domination et de soumission, notamment à travers les rapports de pouvoir, la contrainte, l’autorité et la rébellion.

Analyse de trois films emblématiques

Prenons l’exemple de Blanche-Neige et les Sept Nains (1937), le premier et le plus emblématique des longs métrages de Disney. Il peut être lu sous l’angle du BDSM, notamment à travers les dynamiques de domination, de contrainte et d’autorité. Plusieurs aspects du film peuvent évoquer ces thématiques, même si elles restent bien sûr sublimées et symboliques.

La Reine : une figure dominatrice et sadique : la Méchante Reine est une incarnation parfaite de l’archétype de la dominatrice :

  • Son costume rigide, sa posture impérieuse et sa voix autoritaire rappellent les attributs d’une femme fatale dominatrice.
  • Elle exerce un contrôle absolu sur Blanche-Neige, dictant son sort et orchestrant sa persécution.
  • Son miroir magique fonctionne comme un esclave soumis à ses ordres, renforçant son image de maîtresse toute-puissante.

Sa transformation en vieille sorcière pourrait être interprétée comme une métaphore de la punition pour avoir voulu exercer un pouvoir trop grand, un motif fréquent dans les récits de domination/soumission.

Blanche-Neige : l’archétype de la soumise docile. Elle incarne un type de soumission absolue :

  • Elle accepte son sort sans résistance, même lorsqu’elle est exploitée par la marâtre.
  • Dans la chaumière des sept nains, elle adopte immédiatement un rôle servile (cuisine, ménage, soins), sans qu’aucune contrainte explicite ne soit nécessaire.
  • Son obéissance aux règles (ne pas ouvrir la porte, ne pas toucher aux objets interdits) évoque une dynamique où elle suit les ordres d’un maître absent.

Elle représente la pureté et l’innocence, un contraste saisissant avec la Reine, qui incarne le pouvoir et le contrôle. Cette opposition entre soumission et domination est un motif classique dans les récits teintés d’une dynamique BDSM.

L’empoisonnement et la contrainte corporelle :

  • L’acte de mordre la pomme empoisonnée peut être interprété comme un moment de soumission ultime, où Blanche-Neige accepte passivement son destin.
  • Son état post-empoisonnement – un corps inerte, exposé dans un cercueil de verre – renforce l’idée d’une perte totale de contrôle, une imagerie qui pourrait rappeler certains fantasmes liés à l’immobilité ou à la vulnérabilité consentie.

La résurrection par le baiser : une relation de pouvoir ambiguë. Le Prince, qui vient réveiller Blanche-Neige d’un baiser, exerce un acte de domination implicite :

  • Il impose son geste sans consentement explicite, ce qui pourrait être vu comme une réappropriation du corps de Blanche-Neige.
  • Son arrivée marque la fin du pouvoir de la Reine et le début d’une nouvelle forme de soumission pour Blanche-Neige, cette fois-ci dans un cadre matrimonial.

En résumé, c’est un conte où la domination est omniprésente et les rapports de pouvoir très marqués : une Reine dominatrice et cruelle, qui exerce son autorité de manière impitoyable, une héroïne soumise, docile et prête à accepter son destin, des figures masculines (les Nains, le Prince) qui prennent le relais dans le contrôle de Blanche-Neige. Cette lecture symbolique du film le rapproche de certaines dynamiques BDSM où la domination, la contrainte et l’abandon de soi sont des motifs centraux.

Cendrillon (1950) est l’un des films Disney où la dynamique domination/soumission est la plus marquée, tant par la relation entre Cendrillon et sa belle-mère que par la symbolique de la transformation et du contrôle.

La Marâtre, Lady Tremaine : une dominatrice absolue. Elle incarne une figure de domination froide et impitoyable :

  • Son autorité est absolue, Cendrillon ne peut que se soumettre à ses ordres.
  • Son contrôle est psychologique autant que physique : elle humilie Cendrillon, l’exploite et la prive de liberté.
  • Son apparence : une posture droite, un regard perçant, un ton glacial, tout en elle évoque une autorité implacable.
  • Elle ne punit jamais directement, mais par des ordres et des manipulations, renforçant une forme de domination sadique.

Cendrillon : une soumise parfaite. C’est le prototype de la soumise idéale dans une relation de domination :

  • Elle accepte son sort sans jamais se rebeller ouvertement.
  • Elle est enfermée dans un rôle de servitude, contrainte de satisfaire les désirs de sa maîtresse et de ses sœurs.
  • Même lorsqu’elle souffre, elle reste gracieuse, élégante et disciplinée.
  • Sa soumission est d’autant plus marquante qu’elle semble intériorisée : elle ne cherche pas à s’opposer à l’ordre établi, et son seul espoir repose sur une aide extérieure (la fée marraine).

L’emprisonnement et la contrainte physique. La scène où Cendrillon est enfermée dans sa chambre pendant l’essayage de la pantoufle symbolise son impuissance totale face à l’autorité.

Le travail forcé, les tâches domestiques incessantes, tout cela évoque une mise en servitude poussée à l’extrême. Même son apparence est contrôlée : elle ne possède que des vêtements usés et n’a droit au luxe que par permission. Ces éléments rappellent des scénarios de restriction, de discipline imposée et de contrôle total sur l’individu.

La pantoufle de vair* : symbole d’un fétichisme et d’un choix paradoxal :

  • Elle est fragile, délicate, et pourtant elle est un élément de contrainte.
  • L’essayage de la chaussure est une forme d’épreuve, où le Prince exerce un pouvoir décisionnel absolu sur l’identité de Cendrillon.
  • Il y a un aspect fétichiste évident dans l’attention portée aux pieds et aux chaussures, qui est un motif classique dans l’esthétique de la domination.
  • La pantoufle devient ainsi un objet de reconnaissance, mais aussi un instrument de sélection et de pouvoir.

La libération par un autre maître ? Cendrillon est libérée de sa servitude non pas par une rébellion personnelle, mais par l’intervention du Prince. On peut voir cela comme une transition d’un rapport de domination à un autre :

  • Elle passe de la soumission à sa belle-mère à la soumission aux règles de la cour royale.
  • Son « heure de liberté » au bal est minutée, encadrée par des règles strictes (minuit marque la fin du sort).
  • À la fin, elle est « récompensée » par un mariage qui l’extrait de sa condition, mais où elle entre dans un nouvel ordre social.

Conclusion : si on adopte cette lecture, Cendrillon pourrait presque être vu comme un récit initiatique de la soumission parfaite, où la discipline et l’acceptation du destin mènent à la récompense ultime.

La Belle au Bois Dormant (1959) est un autre excellent exemple de film Disney où l’on peut lire une dynamique de domination et de soumission, à travers des figures d’autorité charismatiques, des contraintes imposées à l’héroïne, et un contrôle total sur son destin.

Maléfique : la dominatrice absolue. C’est l’une des méchantes de Disney qui incarne le plus clairement une figure de domination :

  • Son apparence : robe noire et violette, cornes rappelant une silhouette démoniaque, gestuelle théâtrale, posture droite et impérieuse.
  • Sa voix et son ton : toujours mesuré, autoritaire, avec une maîtrise totale de chaque situation. Elle n’a pas besoin d’élever la voix pour imposer sa volonté.
  • Son plaisir du contrôle : elle orchestre la malédiction d’Aurore avec une précision sadique, prenant un plaisir manifeste à exercer son pouvoir.
  • L’emprisonnement du Prince Philippe : elle le capture, l’attache avec des chaînes et se moque de son impuissance. Elle lui impose un délai de cent ans avant sa libération, jouant avec le temps comme un maître avec son esclave.
  • Maléfique n’est pas juste une antagoniste : elle est une dominatrice en pleine possession de ses moyens, régnant sur son domaine avec une autorité indiscutable.

Aurore : une soumise parfaite et passive :

  • Son destin lui est imposé dès la naissance : elle n’a aucun contrôle sur sa vie, tout est décidé par des forces supérieures (ses parents, les fées, Maléfique).
  • Elle est enfermée dans un cadre strict : élevée dans une cabane isolée, elle obéit aveuglément aux règles des trois fées.
  • Elle se soumet à la malédiction sans résistance : attirée par le rouet comme une somnambule, elle obéit passivement à l’ordre invisible qui la pousse à toucher la pointe.
  • Son sommeil forcé : elle est littéralement placée dans un état d’abandon total, privée de tout pouvoir d’action.

Aurore est la princesse Disney la plus passive, son seul rôle étant d’attendre son réveil. Elle incarne une figure d’innocence absolue, soumise à un destin qui la dépasse.

Le Prince Philippe : captif et humilié. Dans une inversion intéressante des rôles habituels, Philippe passe par une phase de soumission avant de devenir le libérateur :

  • Son enlèvement et son emprisonnement par Maléfique : attaché, humilié, moqué, il est réduit à l’impuissance.
  • Le contrôle total de Maléfique : elle joue avec son destin, lui impose une attente insupportable et rit de sa faiblesse.
  • Sa libération par les fées : il ne se libère pas seul, mais grâce à une intervention extérieure, ce qui diminue encore son pouvoir personnel.
  • Avant de triompher, Philippe subit une épreuve de soumission qui renforce le pouvoir de Maléfique.

La scène du rouet : une initiation à la soumission. La scène où Aurore touche le rouet est un moment très intéressant à étudier sous un prisme symbolique BDSM :

  • Une attraction irrésistible : elle est comme hypnotisée, incapable de résister à l’ordre invisible qui l’appelle.
  • Une posture d’abandon : elle avance lentement, yeux vides, dans un état de soumission totale.
  • Le contact avec la pointe du fuseau : un geste qui évoque une initiation, une forme de passage symbolique dans un état de servitude ou de transformation.

Cette scène est l’un des moments les plus marquants du film, où la soumission d’Aurore est totale et inévitable.

Une libération par un autre maître ? Aurore passe d’un contrôle à un autre :

  • Elle est d’abord sous la domination des fées et de Maléfique.
  • Son réveil dépend entièrement du Prince, qui impose un baiser sans consentement.
  • Elle est immédiatement conduite vers un mariage royal, un autre cadre de règles et de protocoles.
  • Comme Cendrillon, La Belle au Bois Dormant met en scène une héroïne qui ne choisit jamais son destin. Sa libération n’est qu’un passage d’une structure de pouvoir à une autre.

Conclusion : la Belle au Bois Dormant repose entièrement sur des rapports de domination et de soumission. On peut voir Maléfique comme une figure sadique prenant plaisir à imposer sa volonté aux autres, tandis qu’Aurore est une victime consentante de son propre destin.

Commentaire

Les films Disney les plus anciens, en particulier ceux inspirés des contes de fées européens, se prêtent particulièrement bien à une lecture sous l’angle du BDSM et des rapports de domination/soumission.

Plusieurs raisons à cela : d’abord, l’héritage des contes de fées européens. Les contes de Grimm, Perrault ou Andersen regorgent de figures d’autorité cruelles et de héros/héroïnes soumis à des épreuves extrêmes. Ils mettent souvent en scène des malédictions, des enfermements, des punitions et des transformations imposées, qui évoquent des dynamiques de contrainte et de domination. Les personnages féminins y sont fréquemment réduits à une attente passive d’un sauveur, ce qui renforce un schéma de soumission.

 

Une autre explication tient au style visuel et aux archétypes du cinéma classique hollywoodien. L’animation des années 30-50 adopte aussi une mise en scène influencée par le cinéma expressionniste et gothique, avec des jeux d’ombre et de lumière qui accentuent la tension dramatique.

Les protagonistes féminines (Maléfique, Lady Tremaine, la Reine de Blanche-Neige) ont des attitudes et des designs qui évoquent des figures dominatrices : tenues sombres, gestes lents et maîtrisés, regard perçant. Les héroïnes sont souvent représentées dans des postures d’abandon ou de contrainte (enfermement, soumission à une tâche, sommeil forcé).

On peut y lire une dynamique évidente de pouvoir entre maîtresse et soumise : dans Cendrillon, Blanche-Neige et La Belle au Bois Dormant, les héroïnes sont dominées par une figure féminine puissante qui exerce un contrôle total sur leur vie. La punition et la récompense sont au cœur du récit : l’héroïne subit des épreuves et est « récompensée » par le mariage et la reconnaissance. La passivité des héroïnes renforce cette idée de soumission à un destin écrit par d’autres.

Les films plus récents, et les limites de cette approche

Cette lecture BDSM fonctionne moins bien avec les films Disney plus récents.

Une première raison est l’évolution des rôles féminins. À partir des années 90 (La Belle et la Bête, Aladdin, Mulan), les héroïnes Disney deviennent plus indépendantes, actives et rebelles.

Elles ne subissent plus passivement leur destin : elles le combattent et font des choix personnels, ce qui brise la dynamique de soumission.

De leur côté, les méchants sont moins dominateurs dans leur approche. Si des figures comme Ursula (La Petite Sirène) ou Jafar (Aladdin) conservent des éléments de manipulation, elles sont moins associées à une domination rigide et implacable.

La notion de « punition » infligée à l’héroïne disparaît progressivement, remplacée par une quête plus personnelle.

Un changement se fait également sentir dans la mise en scène et les archétypes visuels. Les films deviennent plus dynamiques et moins théâtraux, ce qui réduit l’aspect solennel et hiérarchisé des rapports de pouvoir.

L’humour prend une place plus importante, diminuant la tension dramatique et la rigueur des scènes de contrainte.

 

On peut cependant encore se livrer à une analyse BDSM dans de nombreux autres films, et notamment des plus récents.

Pinocchio (1940) : La scène où les enfants transformés en ânes sont privés de leur libre arbitre et soumis à un dressage peut être perçue comme une illustration de la perte de contrôle dans une dynamique dominé/dominant.

Alice au pays des merveilles (1951) : Alice subit de nombreuses transformations corporelles (elle rétrécit, grandit, est enfermée), ce qui peut évoquer des jeux de contrainte et de métamorphose.

Le Livre de la Jungle (1967) : La scène où Kaa hypnotise Mowgli et l’immobilise dans ses anneaux peut être lue comme une métaphore de la contrainte consentie.

La Petite Sirène (1989) : Ursula impose à Ariel un contrat qui limite son autonomie, basé sur la contrainte et le pouvoir. Sa manière de manipuler et d’imposer des conditions strictes rappelle certains scénarios de domination.

La Belle et la Bête (1991) : Belle est retenue captive par la Bête, qui impose des règles strictes et des punitions. Leur relation évolue d’un rapport de contrainte à une forme d’acceptation mutuelle, une dynamique qui rappelle certaines fictions BDSM où l’autorité cède à la tendresse.

Le Bossu de Notre-Dame (1996) : Quasimodo est humilié, enchaîné et torturé sur la place publique par Frollo, une scène qui évoque une soumission extrême face à une figure de pouvoir sadique. La relation entre Frollo et Esmeralda est également chargée d’une tension dominatrice explicite.

Ces films restent influencés par des récits anciens et conservent une structure où une autorité impose sa volonté sur un personnage plus faible.

Bien sûr, il s’agit là de lectures sous-jacentes, jamais explicites. il ne s’agit pas d’affirmer que Disney insère intentionnellement des éléments BDSM dans ses films, mais plutôt de montrer que certaines thématiques et dynamiques de pouvoir peuvent être lues sous cet angle. L’idée de soumission, de transformation par la contrainte et d’autorité charismatique est un motif narratif puissant, qui peut éveiller des interprétations inattendues.

(*) dans l’édition originale la pantoufle est bien en vair (fourrure d’un écureuil gris) mais la matière a souvent été à tort transformée en verre dans les éditions suivantes. Le film de Walt Disney reprend cette erreur, qui donne même lieu à une scène où la méchante belle-mère essaie en vain de briser la chaussure pour empêcher Cendrillon de l’essayer.

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