Le BDSM dans la publicité oscille entre provocation, esthétisation et récupération commerciale. Les codes visuels et narratifs du BDSM – cuir, latex, corsets, chaînes, fouets, poses de domination/soumission – ont souvent été exploités pour attirer l’attention, choquer ou séduire un public en quête de transgression.
L’attrait du BDSM dans la publicité repose sur son potentiel sulfureux et sa charge esthétique forte. Mais cela pose aussi la question de la superficialité de ces représentations : est-ce un hommage à une culture underground ou une simple appropriation sans profondeur ?
L’esthétique BDSM a souvent été utilisée pour capturer l’attention et évoquer des thèmes de transgression, de luxe, ou de pouvoir.
Campagnes utilisant des codes BDSM
Jean Paul Gaultier – Fragile (2000)
Gaultier, toujours avant-gardiste, a proposé des campagnes jouant sur le fétichisme, notamment avec des mannequins en corsets serrés et des accessoires évoquant la domination.
Equinox – Campagne « Commit to Something » (2016)
Certaines images de cette campagne pour la salle de sport de luxe, signée Steven Klein, montraient des femmes dans des postures de domination ou soumission.
Tom Ford pour Gucci (2003)
Sous la direction artistique de Tom Ford, Gucci a lancé une campagne mettant en scène des modèles dans des poses suggestives avec des accessoires en cuir, évoquant l’esthétique BDSM. Cette campagne a été saluée pour son audace et son esthétique provocante.
Marc Jacobs (2011)
La campagne publicitaire de Marc Jacobs pour son parfum « Bang » présentait le créateur lui-même, nu, couvert uniquement d’une bouteille géante du parfum, dans une pose suggestive rappelant des éléments de soumission et de provocation.
BMW – « The Ultimate Attraction » (2003)
Des femmes dans diverses attitudes sont comme attirée de force vers une voiture, comme ici en pleine extase :
Tom Ford – Eyewear (2008)
Plusieurs images de la campagne de publicité pour hommes « Printemps-été 2008 » sont sexuellement implicites, notamment un visage de femme portant des solaires Tom Ford, avec un doigt d’homme pénétrant dans sa bouche ostensiblement fardée :
D’autres montrent plutôt des hommes en situation de soumission :
Sisley – Fashion Junkie (2007)
Cette campagne controversée montrait des mannequins simulant la consommation de drogue avec des vêtements, suggérant une addiction à la mode. Bien que ne représentant pas explicitement le BDSM, elle utilisait des thèmes de dépendance et de transgression associés à l’esthétique underground.
Ces exemples illustrent comment le BDSM a été utilisé dans la publicité pour attirer l’attention, provoquer ou refléter des tendances culturelles. Cependant, l’utilisation de tels thèmes doit être maniée avec soin pour éviter les stéréotypes ou l’exploitation.
Les tendances de l’esthétique BDSM dans la pub
Le luxe et le fétichisme – Des marques comme Mugler, Gaultier, ou Yves Saint Laurent utilisent l’imagerie BDSM pour renforcer une image de sophistication et de désir inatteignable.
Thierry Mugler – Publicités années 1990-2000
Les campagnes Mugler, souvent signées par Helmut Newton ou Ellen von Unwerth, ont utilisé des éléments BDSM, avec des mannequins en latex, des poses de domination, et une esthétique sombre et sensuelle. Ici Helmut Newton :
Helmut Newton pour Yves Saint Laurent (années 1970-80)
Des images de femmes en smoking face à des femmes nues, évoquant des jeux de domination/soumission très inspirés du BDSM.
Yves Saint-Laurent Rive Gauche (1999)
Mario Sorrenti s’inspire de tableaux célèbres (Le Déjeuner sur l’Herbe, Gabrielle d’Estrées et sa sœur) pour cette campagne :
L’esthétique du shibari a été utilisée dans plusieurs campagnes publicitaires, souvent pour évoquer une sensualité sophistiquée ou une forme d’art corporel captivante. Voici quelques campagnes marquantes :
Love Magazine – Kendall Jenner (2016)
Une série de photos mettant en scène Kendall Jenner dans une position évoquant le shibari, créant une imagerie entre la mode et l’érotisme artistique.
Agent Provocateur – Variées (années 2000-2010)
Certaines de leurs campagnes ont subtilement intégré le shibari, notamment avec des jeux de cordes et d’attaches rappelant cet art japonais.
Publicités inspirées des dominatrices
L’esthétique des dominatrices – cuir, latex, cuissardes, hauts talons, poses dominantes – a été largement exploitée dans la publicité, surtout dans la mode et le luxe. Voici quelques campagnes marquantes :
Yves Saint Laurent – « Parisienne » avec Kate Moss (2008)
Kate Moss, en trench en cuir noir et talons aiguilles, incarne une femme fatale et dominatrice dans cette publicité sensuelle et nocturne.
Mugler – Campagnes des années 1990 et 2000
Thierry Mugler a nouveau, cette fois avec Eva Herzigova photographiée par Ellen von Unwerth :
Agent Provocateur – « Kylie Minogue on a Mechanical Bull » (2001)
Bien que cette publicité soit principalement sensuelle, la mise en scène de Kylie Minogue chevauchant un taureau mécanique dans une lingerie suggestive comporte une dimension ludique qui flirte avec les codes du BDSM de manière légère.
Balenciaga – Campagne avec Kim Kardashian (2022)
Balenciaga a mis en avant Kim Kardashian en combinaison en latex noir et talons vertigineux, renforçant une image de femme puissante et inaccessible.
Versace – Campagne avec Lady Gaga (2014)
Lady Gaga, en total look cuir et lunettes noires, adopte une posture dominatrice inspirée du fétichisme, rappelant les icônes du BDSM chic.
Louis Vuitton – Madonna (2009)
Madonna, en bas résille, talons aiguilles et robe en cuir, incarne une figure dominatrice dans cette campagne de mode.
Publicités jouant sur la soumission féminine
L’image de la femme soumise est bien plus fréquente dans la publicité, souvent utilisée pour évoquer la sensualité, la fragilité ou un jeu de pouvoir suggérant la domination masculine. Voici quelques campagnes marquantes :
Dolce & Gabbana (2007)
Une publicité montrait une femme allongée sur le sol, maintenue par un homme musclé, entourée d’autres hommes observant la scène, a été critiquée pour son ambiguïté entre érotisme et domination brutale. Jugée trop suggestive de violences sexuelles, elle a été retirée.
Gucci – Campagne par Mario Testino (2003)
Une image célèbre où un mannequin féminin a un « G » rasé sur son pubis, tandis qu’un homme la regarde avec un air dominateur.
Calvin Klein – Campagne « Obsession » (1990s)
Beaucoup de campagnes Calvin Klein ont représenté des femmes dans des postures de soumission, notamment sous l’objectif de Steven Meisel ou Bruce Weber.
Stephen Meisel :
Bruce Weber :
Yves Saint Laurent – « Opium » avec Sophie Dahl (2000)
L’affiche montrait le mannequin allongé, nue, en posture d’abandon, créant une image très sensuelle et soumise qui a suscité la controverse et a été censurée dans plusieurs pays.
Tom Ford – Parfum (2007)
Série de pubs où des femmes nues, huilées, sont positionnées autour d’hommes en costumes. Certaines images montrent des flacons de parfum entre les jambes des mannequins.
American Apparel – Multiples campagnes (années 2000-2010)
La marque a souvent flirté avec des visuels suggestifs et provocants, mettant en scène des femmes en lingerie, dans des poses vulnérables ou avec des expressions évoquant la soumission, suscitant à la fois des éloges pour leur audace et des critiques pour leur caractère potentiellement exploitant.
Miu Miu – Campagne avec Hailee Steinfeld (2011)
L’actrice est montrée pieds nus, en position vulnérable sur des rails de chemin de fer. Retirée pour « glamourisation de la détresse ».
Dans l’ensemble, l’image de la femme soumise est un classique de la publicité, souvent critiqué pour son potentiel sexiste mais aussi défendu par certains comme une expression d’esthétique et de fantasme.
Publicités mettant en scène des hommes en position de soumission
L’utilisation de l’esthétique BDSM dans la publicité, en particulier avec des représentations explicites d’hommes en position de soumission, est moins courante en raison des normes sociétales et des préoccupations liées à l’acceptation du public. Cependant, certaines campagnes ont osé explorer cette dynamique :
Dolce Gabbana (2007)
La campagne controversée avec une femme au sol entourée d’hommes a eu son pendant masculin :
Sisley – « Fashion Junkie » (2007)
Cette campagne controversée montrait des mannequins féminines dominant des hommes, suggérant une addiction à la mode et inversant les rôles traditionnels de pouvoir.
Ces campagnes ont souvent suscité des réactions mitigées, oscillant entre éloges pour leur audace et critiques pour leur caractère potentiellement choquant. L’utilisation de la soumission masculine dans la publicité reste un sujet délicat, reflétant les tensions entre innovation artistique et acceptabilité sociale.
Un peu d’humour pour terminer
L’esthétique BDSM a parfois été abordée avec humour dans certaines campagnes publicitaires, visant à jouer sur les codes de la domination et de la soumission de manière ludique. Voici quelques exemples notables :
Candia (2000) – campagne controversée
Tout est dans le texte… Campagne conçue par deux femmes mais qui déclenche la colère des féministes.
Ford – campagne controversée en Inde (2013)
Une caricature montre des femmes ligotées et bâillonnées dans le coffre, Berlusconi hilare au volant. Et le slogan enfonce le clou « Laissez vos soucis derrière vous avec le coffre extra large de la Figo» Cette campagne a été très vite retirée.
Coca-Cola Light – « Break » (années 1990-2000)
Cette série de pubs met souvent en scène des femmes fascinées par un homme puissant, jouant sur un certain rapport de domination passive. Ces campagnes montrent comment la publicité exploite les codes de la soumission féminine, parfois sous un angle de sensualité, parfois avec un message plus subversif.
PETA – Campagne « Fetish » (2009)
PETA a utilisé l’esthétique BDSM dans une campagne humoristique pour promouvoir les droits des animaux. Des mannequins habillés en tenues de cuir simulant des scènes de domination ont été utilisées pour attirer l’attention sur la cause animale, en jouant sur le contraste entre l’esthétique fétichiste et le message végan ou contre la maltraitance animale.
Ces campagnes illustrent comment le BDSM peut être intégré dans la publicité avec une touche d’humour, visant à attirer l’attention tout en divertissant le public.