Aller au contenu

Le BDSM et la domination au Cinéma

Salò ou les 120 Journées de Sodome

Sortie : 1975
Affiche du film Salo-ou-les-120-journees-de-Sodome

Présentation officielle / Extrait

Titre original : Salò o le 120 giornate di Sodoma
Réalisation : Pier Paolo Pasolini
Sortie : 1975

Synopsis

En septembre 1943, les nazis ont installé Mussolini, qu’ils viennent de libérer, à Salò, ville près du lac de Garde. Quatre notables riches et d’âge mûr, le Duc, l’Évêque, le Juge et le Président, fascistes et libertins, y rédigent leur projet macabre. Neuf jeunes garçons et neuf jeunes filles sont enlevés dans la campagne et les villages alentour. L’un des garçons est abattu en essayant de s’échapper.

Antinferno (le Vestibule de l’enfer) : Les quatre notables, entourés de divers servants armés et de quatre prostituées, ainsi que de leurs femmes respectives (chacun ayant épousé la fille d’un autre), s’isolent dans un palais des environs de Marzabotto, dans la république de Salò. Les adolescents devront endurer cent vingt jours de manipulation, maltraitance, torture, domination sexuelle et mentale. Les règles sont simples : désormais ils n’ont plus de vie, ils ne sont ici que pour le plaisir des notables et ne doivent n’espérer rien d’aimable ou de compatissant de leur part. Tout adolescent ne respectant pas les règles se verra sévèrement puni.

Girone delle manie (le « Cercle des passions »). Les prostituées racontent à tour de rôle des histoires érotiques pour émoustiller les notables et leur inspirer diverses scènes de viol et de domination sexuelle sur les adolescents. Au début ceux-ci se montrent réticents et maladroits et sont sévèrement punis. L’une des filles ne peux pas le supporter et se tranche la gorge.

Les notables choisissent un garçon, Sergio, et une fille, Renata, et organisent un simulacre de mariage, les mariés habillés et tous les autres jeunes gens nus. Après quoi ils vont sortir tout le monde, dénudent les mariés et leur ordonnent de consommer le mariage devant eux, puis les violent chacun à leur tour. Une autre fois, ils les font marcher à quatre pattes comme des chiens et les obligent à manger sur le sol ou dans des écuelles de chiens.

Girone della mierda (le Cercle de la merde). Les matières fécales sont désormais l’objet d’attirance et de désir. Les victimes doivent notamment s’asseoir dans un baquet d’excréments, manger ceux du Duc ou encore des plats fécaux au cours d’un grand banquet aménagé pour une autre parodie de mariage. Les notables organisent un concours du plus beau cul, les jeunes gens étant disposés de manière à ce qu’ils ne sachent s’ils sont garçons ou filles, puis font subir au vainqueur -un garçon) un simulacre d’exécution.

Girone del sangue (le Cercle du sang). Les quatre notables ont soigneusement consigné le nom de celles et ceux qui désobéissaient à leurs règles absurdes. L’heure est venue d’appliquer leur châtiment, et les victimes, pour tenter de sauver leur peau, se dénoncent entre elles. Un jeune homme est tué par balles pour avoir couché avec la servante noire (abattue elle aussi), et d’autres sont violemment torturés ou mutilés pendant que le Duc observe la scène à la jumelle : langue coupée, yeux énucléés, scalps, marquages au fer et au briquet de tétons et de sexes…

Commentaires

Inspirée du livre Les 120 Journées de Sodome du marquis de Sade, l’histoire est transposée par Pasolini dans l’Italie fasciste des années 1940. Le cinéaste (assassiné juste avant la sortie du film) ajoute une dimension politique en explorant la tyrannie et l’exploitation des corps. Le film est controversé, souvent discuté pour sa représentation de l’extrême violence, de la dégradation humaine, et des relations de pouvoir abusives.

Le BDSM en tant que concept implique généralement un consentement mutuel, un cadre de sécurité et des limites claires dans les pratiques, avec des dynamiques de pouvoir consensuelles. En revanche, dans Salo, Pasolini montre une perversion extrême de ces dynamiques. Les personnages de pouvoir dans le film, qui représentent des figures fascistes, exploitent de manière brutale et sadique leurs captifs. La violence est ici dépourvue de consentement ou de jeu érotique ; elle sert plutôt de métaphore pour illustrer la corruption morale et politique, où le pouvoir absolu s’exerce de manière impitoyable sur des victimes impuissantes.

Les éléments associés au BDSM – comme la soumission, le sadisme, et la domination – sont présents dans Salo, mais ils sont délibérément dépouillés de toute dimension consensuelle ou même érotique. Pasolini utilise ces motifs pour révéler la déshumanisation et l’objectification totale des victimes, soulignant ainsi le danger du pouvoir autoritaire et de l’idéologie fasciste.

Dans cette vision, le BDSM dans Salo n’est pas exploré comme un choix personnel entre adultes consentants, mais comme une force oppressante et destructrice, une inversion perverse du concept. Cela permet à Pasolini de dénoncer non seulement l’abus physique, mais aussi l’abus psychologique et politique, en soulignant la capacité de l’autorité à corrompre profondément l’humain.