Synopsis
1936, dans les quartiers bourgeois de Tokyo. Sada Abe, ancienne prostituée devenue domestique, aime épier les ébats amoureux de ses maîtres et soulager de temps à autre les vieillards vicieux. Son patron Kichizo, bien que marié, manifeste vite son attirance pour elle et, très vite, ils font l’amour. Comme sa femme lui interdit de sortir, il se fait servir par Sada comme un client et lui donne du plaisir.
Sada est très jalouse de la femme de Kichizo, qui, de son côté, ne s’est aperçue de rien. Kichizo installe Sada dans une deuxième maison, bien équipée en domestiques et en musiciennes. Le désir de Sada est de plus en plus insatiable et l’entraîne dans une escalade érotique qui ne connaît plus de bornes. Il ne trouve un peu de repos que lorsqu’il rejoint son épouse dans leur maison.
Les rapports entre Sada et Kichizo sont désormais épicés par des relations annexes, qui sont pour eux autant de célébrations initiatiques. Comme ils ont besoin d’argent, Sada va voir un de ses anciens clients, un professeur sérieux qui l’apprécie. Mais pour pouvoir faire l’amour avec lui, elle lui demande de la frapper et de lui pincer les tétons. Pendant ce temps, Kichizo couche avec la vieille servante.
Au retour de Sada, Kichizo lui demande de le frapper. Progressivement, ils ont de plus en plus de mal à se passer l’un de l’autre, et Sada tolère de moins en moins l’idée qu’il puisse y avoir une autre femme dans la vie de son compagnon. Elle exige qu’il quitte sa femme, et dès lors ils vivent confinés dans leur chambre, ayant des relations de plus en plus extrêmes. Kichizo viole une vieille geisha, et une autre fois demande à Sada de l’étrangler pendant qu’ils font l’amour, pour décupler ses sensations.
Kichizo demande finalement à Sada, pendant un de leurs rapports sexuels, de l’étrangler sans s’arrêter, quitte à le tuer. Sada accepte, l’étrangle jusqu’à ce qu’il meure, avant de l’émasculer dans un ultime geste. Elle écrit ensuite sur la poitrine de Kichizo, avec le sang de ce dernier : « Sada et Kichi, maintenant unis ».
Commentaires
L’Empire des Sens de Nagisa Ōshima est une œuvre à la fois controversée et acclamée pour sa représentation explicite de la sexualité, explorant les thèmes de l’obsession, de la soumission et de la perte de soi dans le désir.
L’obsession et la dynamique du pouvoir : le film illustre une dynamique de pouvoir complexe entre Sada et Kichi, où la relation passe constamment de la soumission à la domination, brouillant les frontières entre les deux. Cette fluidité pourrait être vue comme une métaphore de l’abandon total au désir et à la perte de contrôle dans l’amour extrême.
Les gestes de contrôle et de domination sont parfois explicites, mais souvent psychologiques, traduisant une emprise qui dépasse les simples actes physiques.
Le corps est à la fois un espace de liberté et de transgression. Ōshima l’utilise comme le lieu ultime d’expression de la liberté, mais cette liberté est aussi autodestructrice. L’obsession charnelle des protagonistes les pousse à transgresser toutes les limites, y compris celles de la vie et de la mort.
Les scènes explicites, bien que controversées, ne visent pas la titillation mais plutôt à exposer une vérité brute et non idéalisée sur l’existence humaine et ses pulsions.
L’intensité croissante de la relation mène à une dynamique où la soumission de Kichi à Sada devient absolue. La scène finale, où Sada le tue par suffocation, est souvent interprétée comme l’aboutissement d’une recherche d’abandon total et d’immortalisation du désir.
Cette scène peut évoquer certaines pratiques BDSM liées au contrôle ultime et au jeu avec les limites corporelles et psychologiques, bien que dans le contexte du film, cela dépasse le consentement mutuel.
Visuellement, le film emprunte à une esthétique épurée, presque théâtrale, qui contraste avec l’intensité émotionnelle et physique des scènes. Les décors minimalistes mettent l’accent sur les interactions des corps.
L’Empire des Sens s’inscrit aussi dans la tradition japonaise des récits érotiques tragiques, mais il modernise et internationalise cette approche en la confrontant à une vision postmoderne du désir.
La représentation explicite de la sexualité a valu au film des problèmes de censure dans de nombreux pays. Le fait qu’Ōshima défende cette approche souligne son objectif : explorer la sexualité humaine comme un phénomène universel, loin des tabous et des normes sociales.
En résumé, L’Empire des Sens est un chef-d’œuvre troublant qui questionne la nature de l’amour, du désir et des limites personnelles. En tant qu’exploration cinématographique d’une relation extrême et autodestructrice, il pousse le spectateur à réfléchir sur les notions de consentement, de possession et de liberté. Sa connexion avec des thématiques BDSM est implicite plutôt qu’explicite, mais les jeux de pouvoir et la recherche d’une intensité absolue évoquent des dynamiques similaires.