Synopsis
L’Âge d’or est une œuvre en cinq tableaux, qui commence par un prologue documentaire sur les scorpions (!), puis enchaîne avec une série d’épisodes oniriques mettant en scène un couple amoureux violemment empêché d’accomplir son désir sexuel.
L’homme (Gaston Modot) et la femme (Lya Lys) tentent de s’embrasser, de se caresser, de faire l’amour, mais sont sans cesse interrompus ou entravés par des forces sociales : un groupe de bourgeois, une cérémonie de la haute société, des prêtres, des soldats… Le film se termine par une scène de parodie blasphématoire inspirée du marquis de Sade : des notables sadiennes sortent d’un château, dont un est déguisé en Jésus.
Commentaires
L’Âge d’or est probablement l’un des premiers films à intégrer une esthétique BDSM inconsciente dans un cadre avant-gardiste. Le film repose sur un érotisme entravé, une jouissance empêchée, un désir qui se heurte à l’autorité, ce qui en fait un objet passionnant à lire dans une perspective fétichiste et sadomasochiste.
Le cœur du film est constitué par ce couple qui n’arrive jamais à s’unir, non par manque de désir, mais parce qu’une force extérieure les empêche toujours de passer à l’acte. C’est un jeu de frustration orchestré par la structure même du film : chaque élan est bloqué, puni, interrompu. Cette logique évoque très clairement les dynamiques de domination et de frustration volontaire dans certaines pratiques BDSM.
Le personnage masculin exprime sa frustration par des gestes violents : il piétine un petit chien, jette un enfant contre un mur (hors-champ), tire sur des passants. La femme, elle, lèche en gros plan une statue d’orteil masculin, dans une des scènes les plus érotiques et fétichistes du cinéma muet.
Ces actes sont autant d’exutoires de pulsions sexuelles refoulées, comme si le corps ne pouvait plus contenir ce trop-plein d’énergie. Le plaisir est alors détourné dans la douleur, dans la destruction — autrement dit, dans une jouissance sadomasochiste.
Dans la dernière séquence, une parodie de La Philosophie dans le boudoir de Sade met en scène un personnage christique (inspiré de Jésus) sortant d’un château de débauche. C’est une inversion perverse de la Passion : le Christ devient figure de chef sadique, un dominant sadien. Cette juxtaposition du sacré et du profane rejoint l’un des tropes du BDSM fétichiste : profaner l’interdit pour accéder au plaisir extrême.
Le film fourmille de costumes, uniformes, parures de cérémonies, qui mettent en scène le pouvoir social sous forme de mascarade grotesque. La haute société devient ici un théâtre de perversion contenue, où la violence du fétiche de pouvoir (ordre, politesse, religion) masque une jouissance latente. Le fétichisme est ici idéologique, mais aussi visuel et tactile.