Synopsis
Le cinéaste Carl Denham a monté une expédition vers une mystérieuse île de l’océan Indien, avec le capitaine Englehorn et son second John Driscoll. Pour pimenter l’aventure, il lui faut une héroïne, et il engage au dernier moment Ann Darrow (Fay Wray), une jolie blonde au chômage et affamée. Driscoll, d’abord gêné par sa présence, ne tarde pas à s’éprendre d’elle.
Le bateau arrive à Skull Island au milieu d’un épais brouillard. Des indigènes y vivent derrière une muraille ancienne, et rendent un culte à une mystérieuse divinité, Kong. Une cérémonie se prépare, avec une jeune fille terrorisée destinée à être offerte à Kong. Mais en voyant Ann, les indigènes proposent de l’acheter. L’expédition se replie précipitamment sur le navire, mais pendant la nuit les indigènes enlèvent Ann. C’est donc elle qui se retrouve exposée sur un poteau derrière la muraille, en offrande à Kong. Celui-ci apparaît : c’est un gorille géant de 10 mètres de haut. Il ne fait pas de mal à Ann mais l’emmène avec lui vers la jungle.
Driscoll et un groupe de marins se lancent à leur poursuite. Mais ils doivent affronter différents animaux antédiluviens, puis Kong lui-même, et Driscoll reste le seul survivant quand il rejoint Kong et Ann. Kong se montre tendre avec Ann, la protégeant des multiples dangers de la jungle, affrontant pour elle un terrible dinosaure, et la déshabillant délicatement. John parvient à la libérer et tous deux sautent dans la mer du haut de la falaise. Kong les poursuit jusqu’au village, et Denham en profite pour le capturer au moyen de gaz asphyxiants.
De retour à New York, Denham exhibe Kong dans une salle de spectacle, espérant tirer des profits colossaux de l’aventure. Mais affolé par les flashes des journalistes, Kong se libère de ses chaînes et s’enfuit, provoquant une panique dans la ville, notamment en détruisant une rame du métro aérien. Il s’empare d’Ann dans son appartement et l’emmène au sommet de l’Empire State Building. Une escadrille d’avions l’attaque au moment où il a déposé Ann. Mortellement touché, Kong s’abat au pied du gratte-ciel. Ainsi que le souligne Denham, ce ne sont pas les avions mais la Belle qui a tué la Bête.
Commentaires
King Kong (1933) est un exemple emblématique où la contrainte physique joue un rôle central, à la fois narratif et symbolique. Ce film illustre plusieurs dynamiques qui évoquent des thématiques associées au BDSM, notamment par son exploration de la domination, de la soumission et des rapports de pouvoir.
Le personnage d’Ann Darrow est placé dans des situations de contrainte physique tout au long du film, qui sont stylisées et érotisées de manière subtile mais palpable. Elle est d’abord capturée par les indigènes pour être offerte à Kong. Ligotée et attachée sur l’autel sacrificiel, elle est immobilisée dans une posture qui met en valeur sa vulnérabilité. La mise en scène insiste sur son exposition, avec des gros plans sur ses mains liées et son expression de peur, renforçant une tension dramatique et visuelle.
Cette scène est souvent interprétée comme une métaphore des rapports de pouvoir entre les sexes, avec Ann dans le rôle de la femme soumise à une force masculine écrasante. La cérémonie sacrificielle elle-même est stylisée comme un rituel de domination. Les cordes et les nœuds qui maintiennent Ann immobilisée rappellent des éléments de bondage, bien que présentés dans un contexte « exotique ».
Tous les hommes du film (le réalisateur, le héros et même Kong) veulent contrôler Ann d’une manière ou d’une autre. Sa captivité par Kong devient une métaphore des contraintes sociales ou sexuelles imposées aux femmes.
Ensuite, le rapport entre Kong et Ann repose sur une dynamique de domination et de soumission, amplifiée par les différences de taille et de force. Kong saisit Ann, la tient dans sa main massive, et la manipule comme une poupée, renforçant son contrôle absolu sur elle. Ces scènes, bien qu’empreintes de menace, incluent des moments où Kong semble traiter Ann avec une certaine tendresse, brouillant la frontière entre la domination brutale et une forme de fascination.
Les moments où Kong caresse Ann ou joue avec sa robe peuvent être interprétés comme des actes de curiosité animale, mais ils contiennent une ambiguïté érotique. Ces gestes symbolisent une tentative de contrôle qui va au-delà de la simple force physique, ajoutant une dimension émotionnelle à leur relation. La manière dont Kong observe Ann, combinée avec ses gestes protecteurs, crée une dynamique où la souffrance d’Ann (sa captivité) est contrebalancée par l’émerveillement de Kong. Cette fascination asymétrique suggère une relation complexe qui transcende la simple menace.
Bien que le film ne montre jamais explicitement Ann éprouvant autre chose que de la peur, certaines scènes impliquent une ambiguïté émotionnelle. Ses cris fréquents, bien qu’exprimant la terreur, deviennent presque ritualisés dans leur intensité, contribuant à la tension dramatique et à une forme de spectacle sadomasochiste implicite où son cri devient une réponse à la puissance de Kong.
Plus tard, les chaînes utilisées pour retenir Kong à New York font écho aux cordes qui attachaient Ann à l’autel sacrificiel et créent un parallèle visuel entre les deux personnages. Cette symétrie renforce l’idée que tous deux sont, à leur manière, pris au piège dans des rôles imposés par leur environnement.
La dynamique entre Kong, Ann, et les autres personnages reflète une lutte constante entre domination et émancipation. La mort de Kong sur l’Empire State Building, provoquée en partie par son désir irrépressible pour Ann, peut être vue comme une métaphore du pouvoir destructeur de la passion non réciproque et des dynamiques de domination excessives.
En conclusion, King Kong est un chef-d’œuvre qui exploite les thématiques de la contrainte physique et des dynamiques de pouvoir pour construire une tension dramatique et émotionnelle. La relation entre Ann Darrow et Kong, bien qu’ancrée dans un contexte d’aventure fantastique, reflète des motifs BDSM implicites : la captivité, la domination, la fascination pour l’autre, et les limites du contrôle. Ces éléments, mêlés à une esthétique visuelle audacieuse, confèrent au film une profondeur qui dépasse son récit de surface.