Synopsis
Y (Kim Tae-yeon) est une lycéenne de 18 ans, qui s’est promis de perdre sa virginité avant la fin de ses études. Sa meilleure amie, Woori, a le béguin pour J (Sang Hyun Lee), un sculpteur de 38 ans, marié. Une forte attirance naît entre Y et J dès leur première conversation au téléphone, et Y demande à J de lui faire découvrir le sexe. Elle se rend en train chez lui dans la ville voisine. J se montre un amant respectueux et, dès leur première rencontre, il prend Y « par tous les trous » mais avec une grande délicatesse.
La deuxième fois, il commence par déjeuner dans un restaurant, puis il la frappe avec un bâton. Elle reprend son train avec les fesses endolories mais heureuse. Elle raconte son expérience à Woori, qui est un peu envieuse mais surprise qu’elle aime être frappée. Puis J et Y vont discrètement dans une chambre d’hôtel. J expérimente un nouveau bâton, plus douloureux, mais Y le supporte bien et tous deux ont ensuite des rapports sexuels particulièrement intenses. En sortant, J croise un homme important qui lui reproche de ne pas travailler plus.
Ils vont alors dans des hôtels plus modestes, mais se font souvent refouler par les hôteliers qui craignent des contrôles de police. J vient à chaque fois avec une valise remplie de cordes et de bâtons souples ou rigides avec lesquels il frappe Y. Mais à chaque fois, ils font aussi l’amour.
Après avoir passé trois mois auprès de sa femme à Paris, J rejoint Y à l’université où elle vient d’entrer. Elle lui apporte une poignée de roseaux qu’elle a récoltés elle-même et avec lesquels il la frappe. Lui trouvant un air mélancolique, il décide d’échanger les rôles et il demande à Y de le frapper. D’abord hésitante, elle frappe ensuite franchement puis vient s’empaler sur sa virilité retrouvée. Ensuite, elle soigne ses blessures avec amour. Mais le lendemain, ils croisent le frère de Y, qui a décidé de la surveiller.
Pour leur rencontre suivante à Séoul, J a préparé de nouveaux bâtons pour se faire frapper. Mais il doit retourner à Paris. Il demande à sa femme de le frapper, mais elle refuse. À son retour, Y lui avoue avoir sucé un professeur. Il la punit en la frappant, mais elle se montre moins endurante qu’autrefois. C’est alors que la maison de J brûle entièrement, et il soupçonne le frère de Y, et celle-ci fugue. Mais très vite, ils se retrouvent. Elle abandonne sa famille et ses études, et ils vivent de motel en motel, faisant l’amour dès qu’ils sont entre quatre murs.
Un jour, Y apprend que son frère s’est tué en moto, alors qu’il la pourchassait de motel en motel. Elle décide alors de renouer avec sa famille et de reprendre ses études, au grand désespoir de J. Celui-ci retourne à Paris avec sa femme. Un jour, il reçoit un appel de Y, en transit à Roissy en allant vers le Brésil. Il la rejoint aussitôt et ils se voient une dernière fois : elle est venue avec un uniforme d’écolière et un manche de houe, avec lequel elle le frappe.
Commentaires
Fantasmes (Lies) de Jang Sun-woo est une œuvre audacieuse et provocante qui explore les thèmes du BDSM, de la sexualité transgressive et des tabous sociaux dans la Corée des années 90. Le film suit la relation entre J et Y, qui entament une liaison marquée par des pratiques BDSM, en particulier le plaisir à travers la douleur. Ces pratiques n’ont pas seulement un aspect érotique, mais deviennent un moyen pour les personnages de se confronter à leurs limites émotionnelles et corporelles. La pratique des fessées est particulièrement mise en avant, à la fois comme acte de soumission et comme symbole d’intimité extrême. Cette répétition récurrente des scènes de flagellation sert à explorer la complexité du plaisir dérivé de la douleur.
Contrairement à des films érotiques stylisés, Fantasmes adopte une approche quasi-documentaire, avec une caméra proche des corps et des mouvements naturels. Les scènes sexuelles sont filmées de manière crue et directe, mettant l’accent sur la vulnérabilité et l’humanité des personnages. Cela donne un sentiment d’authenticité et d’immédiateté qui tranche avec l’esthétisation souvent associée au BDSM dans le cinéma.
Le film explore une relation où les deux personnages négocient constamment leur rôle dans les pratiques BDSM. Y, la femme plus jeune, est initialement soumise mais prend progressivement le contrôle émotionnel et sexuel sur J. Cette évolution reflète une inversion de la dynamique de pouvoir traditionnelle. Bien que leurs pratiques soient consensuelles, le film montre les tensions et les zones grises qui peuvent émerger dans une relation où les limites physiques et psychologiques sont testées.
Le film explore aussi comment la douleur physique peut se transformer en plaisir, non seulement sur le plan corporel mais aussi émotionnel et psychologique. À mesure que la relation progresse, les pratiques BDSM deviennent une forme de communication et de dépendance émotionnelle entre J et Y, brouillant encore davantage la distinction entre domination et soumission.
À sa sortie, Fantasmes a choqué la société coréenne pour son contenu explicite et son traitement frontal des pratiques BDSM, encore largement taboues à l’époque. Le film interroge la rigidité des rôles de genre dans la société coréenne. En s’ouvrant à des pratiques transgressives, les personnages cherchent à s’émanciper des attentes sociales qui pèsent sur eux. Leur liaison intense, presque autarcique, symbolise une rupture avec le monde extérieur, où leurs désirs seraient jugés ou incompris.
Les pratiques BDSM
Elles ne se limitent pas à une fonction érotique ou provocatrice ; elles incarnent une symbolique riche, explorant des thèmes profonds tels que la transgression, la vulnérabilité, l’émancipation et les rapports de pouvoir.
Transgression et rupture avec les normes sociales : les pratiques BDSM dans le film représentent une rupture radicale avec la société coréenne patriarcale et conformiste des années 1990. À travers les scènes de fessées et les jeux de domination, J et Y défient les normes sexuelles traditionnelles. Ces actes, considérés comme déviants ou honteux dans leur contexte social, deviennent pour eux des formes d’expression authentiques et libératrices. Le BDSM dans le film symbolise un rejet des attentes imposées par la société, en particulier pour Y, qui refuse les rôles féminins traditionnels (obéissance, pudeur) en explorant ouvertement ses désirs et en les assumant.
Douleur et transformation : le lien entre douleur et plaisir, au cœur des pratiques BDSM dans le film, est utilisé pour exprimer la transformation intérieure des personnages. Pour J et Y, la douleur infligée volontairement devient un moyen d’atteindre une sorte de catharsis. Elle leur permet de se libérer des contraintes psychologiques et émotionnelles qui les enfermaient dans leurs vies respectives. Les marques physiques laissées sur leurs corps symbolisent un passage, une mue : en acceptant la douleur, ils se transforment et se découvrent eux-mêmes. Cette idée évoque des pratiques rituelles où la douleur est associée à un éveil spirituel ou émotionnel.
Dynamique de pouvoir et autonomie personnelle : les pratiques BDSM dans le film permettent une exploration des rapports de pouvoir, mais aussi une inversion et une redéfinition des rôles de chacun. Bien que J soit initialement présenté comme dominant, la dynamique évolue : Y prend de plus en plus d’initiative, assumant son propre pouvoir dans la relation. Cela reflète une remise en question des rôles genrés traditionnels dans les relations hétérosexuelles. Contrairement à la domination forcée ou oppressive, les actes BDSM dans le film sont constamment négociés et voulus par les deux parties. Les personnages choisissent librement d’explorer ces pratiques.
Intimité et vulnérabilité : le BDSM, loin d’être une simple mise en scène de contrôle, est utilisé comme un moyen d’approfondir l’intimité entre J et Y. En acceptant la douleur ou en se soumettant, les personnages mettent à nu leurs désirs les plus profonds, devenant émotionnellement vulnérables l’un envers l’autre. Cela les rapproche, car cette vulnérabilité partagée devient la base de leur relation. C’est une nouvelle manière de construire l’intimité, libérée des cadres traditionnels (romance, mariage). Leur liaison n’est pas codifiée par des règles sociales, mais par leurs propres désirs et besoins.
Le corps devient un lieu d’expression des conflits internes et externes. Les traces laissées sur la peau (rougeurs, marques des coups) symbolisent les souvenirs de leurs expériences intimes. Elles témoignent de leur voyage à travers la douleur, le plaisir et l’exploration de soi. Alors que leurs corps sont soumis à des contraintes physiques (fessées, postures imposées), leur esprit semble devenir plus libre. Cette dialectique entre limitation physique et libération mentale est au cœur de la symbolique du BDSM dans le film.
Mais le BDSM dans Fantasmes n’est pas présenté comme un simple chemin vers la libération. Il est aussi une zone de contradictions et de dépendances. À mesure que leur relation évolue, J et Y deviennent de plus en plus dépendants l’un de l’autre, autant sur le plan émotionnel que sexuel. Cette dépendance peut être vue comme une forme d’aliénation qui accompagne leur quête de liberté. Bien qu’ils se libèrent des attentes sociales, ils restent enfermés dans une relation où leurs désirs deviennent à la fois un moteur et une cage. Cela reflète la dualité du BDSM : il peut à la fois émanciper et enfermer dans des rituels codifiés.