Synopsis
Seiu Ito (Hatsuo Yamatani), un photographe et peintre poursuivi pour pornographie et pour des sévices sur son épouse, qui l’a quitté, est libéré de prison. Il rencontre alors une prostituée poursuivie pour racolage, Taé (Junko Mayashita). Elle accepte de vivre avec lui, mais très vite il lui dit qu’il a envie de l’attacher. Il lui lie alors les bras avec les jambes et la pénètre violemment. Elle commence par refuser et se débattre mais finit par y prendre du plaisir. Taé comprend que Seiu agissait de même avec sa femme.
En effet, il avait coutume d’attacher Shima dans des positions douloureuses et de la photographier ainsi, comme le jour où il l’a pendue par les pieds au plafond alors qu’elle était enceinte, jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse. Ou le jour où, en plein hiver, il l’a attachée à un arbre, l’a enterrée dans la neige et plongée dans un étang glacé.
Taé accepte de subir la même chose, et Seiu l’attache en suspension par les mains ou par les cheveux, ou la laisse attachée un long moment sur le sol. Sortant en plein hiver, il l’oblige à marcher pieds nus dans la neige, les bras attachés dans le dos, puis à entrer dans l’eau glacée d’un lac gelé, le tout pendant que ses deux assistants prennent des photos. A la nuit tombée, il la suspend aux branches d’un arbre. De retour chez eux, ils font l’amour avec passion, après quoi elle déchire les photos d’elle dans l’atelier de Seiu.
Mais Seiu apprend que Tae, dont le comportement est de plus de plus étrange, est atteinte d’une syphilis congénitale incurable transmise par sa mère. Celle-ci vient reprocher violemment à Seiu d’avoir rendu Tae folle à cause de ses pratiques perverses. Mais elle finit par lui dire que l’attacher et la battre peut lui redonner la raison. Il recommence donc à l’attacher et à la plonger dans l’eau glacée, avec l’aide de la vieille femme.
Seiu trouve que Tae est la femme la plus réceptive qu’il ait connue, mais elle est de plus en plus éloignée, dans son monde. Elle a un comportement de plus en plus étrange, demande à être marquée au fer rouge. Dormant près de Taé, Seiu voit défiler le catalogue des sévices. Taé meurt, et après l’avoir enterrée, Seiu regrette de ne pas avoir poursuivi ses expérimentations sur son cadavre.
Commentaires
Le film « Bondage » réalisé par Noboru Tanaka en 1976, est un classique du cinéma érotique japonais, appartenant au genre des Romans Porno produits par Nikkatsu. Tanaka, réputé pour son approche artistique du genre, explore dans ce film les thématiques du désir, de la domination et de la douleur, tout en s’appuyant sur une esthétique soignée et un récit introspectif.
Dans le film, Seiu Ito est une version fictive du célèbre artiste japonais Seiu Ito (1882-1961), connu pour ses illustrations et photographies mettant en scène l’art du shibari. Tanaka rend ici hommage à cette figure emblématique, tout en réinventant sa personnalité. Le Seiu Ito du film est un personnage complexe, à la fois maître du kinbaku, philosophe et homme rongé par ses propres blessures émotionnelles.
Le film s’inscrit dans une exploration artistique du bondage (shibari), mettant en lumière la dimension esthétique et rituelle de cet art. Le lien entre contrainte physique et libération émotionnelle est central : les personnages explorent leurs désirs et leurs frustrations à travers ces pratiques, où le contrôle exercé par l’un se mêle à l’abandon total de l’autre. Le bondage est présenté moins comme une pratique sexuelle explicite que comme un moyen de transcender les limites du corps. Les compositions visuelles des cordes sur la peau font écho à des peintures traditionnelles japonaises, ancrant le film dans une esthétique raffinée et culturelle.
Les relations humaines dans le film sont souvent marquées par des déséquilibres de pouvoir. Ces déséquilibres ne se limitent pas aux relations intimes, mais reflètent aussi des tensions sociales, notamment entre hommes et femmes dans le Japon des années 1970. Le bondage devient un outil symbolique pour explorer ces conflits et les dépasser.
Mais le film ne se limite pas à l’exploration du shibari, bien que ce soit un élément central. Les scènes dans la neige et dans l’eau glacée ajoutent une dimension visuelle et émotionnelle frappante au film. Elles évoquent en effet une quête de pureté ou de renouveau. La nature hostile agit comme un miroir des conflits internes des personnages, les mettant face à leurs limites physiques et émotionnelles.
Ces scènes intensifient aussi le thème de la souffrance consentie. Dans un cadre BDSM, elles reflètent l’idée selon laquelle la douleur peut être transcendée pour atteindre une forme d’extase ou de compréhension personnelle. La froideur extrême de l’environnement sert de métaphore à l’aliénation ou à la libération. Le contraste entre les corps vulnérables et la blancheur immaculée de la neige ou la transparence glaciale de l’eau crée des images saisissantes. Ces décors renforcent la tension dramatique et donnent une profondeur symbolique au film, en le rapprochant de l’art pictural.
La révélation de la folie de Taé à la fin ajoute une couche psychologique et tragique au film : sa descente dans la folie peut être perçue comme la conséquence de son incapacité à trouver un équilibre entre ses désirs, ses traumatismes et les pressions sociales. Cela reflète la difficulté de naviguer dans des expériences émotionnelles et corporelles aussi intenses que celles explorées dans le film. Taé semble franchir des limites qu’elle ne parvient pas à contrôler, ce qui transforme son exploration en une spirale autodestructrice. Sa mort marque l’échec d’une tentative désespérée de concilier ses désirs et son identité dans un environnement oppressif.