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Le BDSM et la domination au Cinéma

Body of Evidence

Sortie : 1993
Body of Evidence

Présentation officielle / Extrait

Titre original : Body of Evidence
Réalisation : Uli Edel
Sortie : 1993

Synopsis

Andrew Marsh est trouvé mort dans son manoir, visiblement après avoir eu des rapports sexuels sadomasochistes (enregistrés sur vidéo) avec sa maîtresse Rebecca Carlston (Madonna). Sa secrétaire Joanne Braslow accuse Rebecca de l’avoir tué. Et quand les analyses montrent que Marsh était sous cocaïne au moment de sa mort, qu’il avait une maladie cardiaque et qu’il a légué 8 millions de dollars à Rebecca, elle est immédiatement inculpée par le procureur Garrett. L’avocat Frank Delaney (Willem Dafoe), convaincu de son innocence, assure sa défense. Il est marié à Sharon mais est très attiré par Rebecca.

Joanne témoigne avoir vu Rebecca prendre de la cocaïne, mais Rebecca emmène Frank chez son médecin pour démontrer qu’il s’agissait d’un médicament. Le procès commence avec des le début des affrontements violents entre le procureur et l’avocat, au point que la juge doit les rappeler à l’ordre. Garrett établit que Marsh était déjà allé aux urgences pour un empoisonnement à la cocaïne, mais Frank démontre que la drogue lui avait été fournie par sa secrétaire. Le soir, Frank invite Rebecca à dîner, et la raccompagne chez elle. Elle lui attache les mains avec sa ceinture, lui verse de la cire chaude sur le corps, et ils font l’amour avec passion.

Au tribunal, Garrett cite à nouveau le docteur Paley des urgences, qui affirme avoir eu une liaison avec Rebecca et lui avoir parlé des problèmes de santé d’Andrew Marsh. Mais Frank démonte l’accusation grâce à un enregistrement démontrant une tentative de chantage. En sortant de l’audience ils font l’amour furieusement dans le parking souterrain. Le lendemain Garrett cite un ancien amant de Rebecca, Roston, malade du cœur et ayant aussi modifié son testament en sa faveur. Frank, furieux, décide de rompre avec Rebecca tout en continuant d’assurer sa défense.

Mais le soir même Sharon dit à Frank qu’elle sait tout sur sa relation avec Rebecca et le chasse de la maison. Frank se rend chez Rebecca pour lui reprocher d’avoir parlé, mais elle le provoque en se masturbant, alors il l’attache avec des menottes et la prend sauvagement. Le lendemain matin son assistant vient réveiller Frank pour lui apprendre que les vidéos de Marsh révèlent qu’il était également l’amant de sa secrétaire. A l’audience, Joanne est obligée de l’admettre, et Frank l’accuse d’avoir mis la cocaïne dans le pulvérisateur nasal qu’elle avait acheté pour lui.

Rebecca craint que cela ne soit pas suffisant pour convaincre le jury et demande à être citée à la barre. Elle raconte sa version des faits : elle a quitté Marsh après avoir fait l’amour avec lui et n’a appris sa mort que le lendemain. Garrett revient sur sa liaison avec Roston, l’accusant de l’avoir quitté parce qu’elle avait échoué à le faire mourir. Elle répond qu’elle l’a quitté parce que qu’elle l’a trouvé au lit avec un autre homme. Le jury déclare finalement Rebecca non coupable.
Plus tard, Frank se rend chez Rebecca mais la surprend avec le docteur Paley. Il comprend alors que l’accusation avait raison, que Rebecca avait prémédité le meurtre de Marsh grâce aux informations de Paley, et que l’enregistrement produit au procès était un faux. Mais Rebecca n’a aucune intention de vivre avec Paley et le lui dit clairement. Paley s’empare alors du revolver de Rebecca et la tue. Garrett conclura que c’était son karma.

 

Commentaires

Body of Evidence, réalisé par Uli Edel, est un thriller érotique qui explore des thèmes de manipulation, d’érotisme et de pouvoir. Madonna s’est totalement investie dans son rôle de femme fatale. Sa présence magnétique et sa maîtrise des scènes intimes donnent au film une ambiance provocante. Le film inclut des éléments de BDSM dans le cadre des relations entre les personnages. Bien que les scènes soient plus symboliques que réellement approfondies, elles marquent une tentative de représenter des dynamiques de pouvoir et de désir à l’écran.

Malheureusement l’histoire manque de subtilité et s’appuie sur des stéréotypes, ce qui dilue la tension dramatique. Les personnages principaux, notamment celui de Rebecca, manquent de nuances et sont réduits à des archétypes.

Le traitement du BDSM dans Body of Evidence est à la fois central à l’intrigue et symptomatique d’une représentation des années 1990, marquée par le sensationnalisme et une compréhension souvent simpliste des dynamiques de pouvoir et de plaisir. Il sert de ressort dramatique, symbolisant le contrôle et la manipulation. Rebecca est une femme fatale qui exerce une emprise sur ses partenaires, mêlant séduction, domination et danger. Ses pratiques sexuelles « non conventionnelles » sont perçues par le tribunal comme des preuves de sa dangerosité, renforçant l’idée d’une femme fatale dont la sexualité est à la fois fascinante et destructrice.
Les pratiques BDSM sont montrées comme des actes ambivalents, à la fois consensuels et menaçants, ce qui brouille la frontière entre victime et instigateur. Les scènes sexuelles sont filmées de manière à illustrer la dynamique de pouvoir et de soumission : sans montrer explicitement de bondage complexe ou technique, les poses et interactions entre Rebecca et ses partenaires (notamment Frank) évoquent une domination implicite. Rebecca contrôle le rythme, les mouvements et, en fin de compte, les émotions. Une scène célèbre met en avant l’utilisation de cire chaude sur le corps de Frank, un geste qui mélange douleur et plaisir. Ce moment cristallise une dynamique BDSM où Rebecca teste les limites de son partenaire tout en affirmant son pouvoir.
Mais le film présente le BDSM sous un angle ambivalent, oscillant entre fascination et condamnation, reflétant ainsi les attitudes sociales des années 1990. Ces pratiques sont dépeintes comme un signe de déviance morale, renforçant la méfiance envers Rebecca. Plutôt que d’explorer des relations BDSM consensuelles et basées sur la communication, le film associe ces pratiques à la manipulation psychologique et au meurtre. Cela alimente les stéréotypes négatifs, en particulier celui selon lequel la femme dominante est une menace pour les hommes.

Le lien entre Rebecca et Frank est un exemple typique de jeu de pouvoir. Bien qu’il soit un avocat, donc une figure d’autorité dans la sphère publique, il devient un jouet entre les mains de Rebecca dans l’intimité. Ce basculement est représenté par des scènes où Rebecca dirige physiquement et émotionnellement leurs interactions. Rebecca incarne une femme qui utilise son corps et sa sexualité comme une arme, mais cette empowerment est ambigu, car il est toujours lié à une finalité destructrice.
Le film peut être vu comme une étape marquante, mais frustrante, dans l’histoire de la représentation du BDSM à Hollywood : il montre une curiosité pour ces dynamiques tout en les réduisant à des clichés sensationnalistes.

Les pratiques BDSM de Rebecca sont littéralement utilisées comme éléments à charge contre elle. Sa sexualité est perçue comme une preuve de son immoralité, ce qui alimente une logique puritaine où le désir non conventionnel est assimilé à un comportement criminel. En substance, le tribunal (et par extension, le scénario) véhicule les idées suivantes : le BDSM est dangereux (la douleur consensuelle est associée à la malveillance et à la violence), les femmes dominantes sont menaçantes (Rebecca incarne l’idée de la femme fatale dont la sexualité « dévorante » conduit les hommes à leur perte), la sexualité non normative doit être punie (le fait que Rebecca soit coupable et qu’elle meure à la fin est une « punition morale » typique de nombreuses œuvres narratives).

Dans Body of Evidence, la révélation finale de la culpabilité de Rebecca simplifie l’intrigue et conforte les stéréotypes, contrairement à Basic Instinct qui, à la même époque, fait preuve de beaucoup plus de subtilité.

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