SYNOPSIS
Séverine Serizy (Catherine Deneuve) est une jeune femme mariée à un chirurgien respectable, Pierre Serizy (Jean Sorel). Ils mènent une vie apparemment idéale, mais Séverine est froide et distante sur le plan sexuel avec son mari, bien qu’elle l’aime profondément. Pierre la respecte et ne la presse pas, mais cette apparence de perfection cache des tourments intérieurs complexes pour Séverine.
Séverine est en proie à des fantasmes sexuels masochistes récurrents. Ces scènes oniriques ponctuent le film et montrent Séverine dans des situations où elle est humiliée, punie et dominée. Ces rêves, souvent violents, contrastent fortement avec son comportement calme et réservé dans sa vie quotidienne.
Lors d’une conversation avec des amis, Séverine entend parler d’un établissement clandestin où des femmes respectables travaillent comme prostituées pendant la journée. Intriguée et confrontée à ses désirs refoulés, elle décide de se rendre dans cette maison close, dirigée par Madame Anaïs (Geneviève Page).
D’abord réticente et effrayée, Séverine finit par embrasser cette double vie et commence à travailler sous le nom de « Belle de Jour », car elle ne travaille que l’après-midi, de 14 à 17 heures, pour cacher cette activité à son mari. Dans ce monde de prostitution, elle découvre une part d’elle-même qu’elle n’avait jamais explorée, jouant le rôle de soumise et réalisant ses fantasmes secrets.
Séverine rencontre une galerie de clients excentriques, chacun avec ses propres désirs et manies. Parmi eux, un jeune criminel du nom de Marcel (Pierre Clémenti), qui devient rapidement obsédé par elle. Marcel est le contraire de son mari : un homme dangereux, impétueux, et instable. Son obsession pour Séverine prend des proportions inquiétantes. Il l’idolâtre, mais son comportement violent et possessif finit par devenir une menace pour la vie tranquille qu’elle mène en dehors de la maison close.
La tension monte à mesure que la double vie de Séverine devient plus difficile à maintenir secrète. Marcel, fou de jalousie à l’idée de partager Séverine avec d’autres hommes ou de la voir retourner à sa vie « bourgeoise », décide de confronter Pierre. Il le trouve et, dans une scène violente et tragique, tire sur lui, le laissant paralysé.
Après l’agression de Pierre, Séverine met fin à ses activités de prostitution. Elle s’occupe de son mari invalide et culpabilise d’avoir indirectement provoqué cet incident par ses choix. Toutefois, dans la scène finale du film, alors qu’elle est assise à côté de Pierre, le regard vide, une scène onirique se superpose à la réalité : Pierre, miraculeusement, se lève de son fauteuil et marche vers elle.
Le film se termine sur cette note ambiguë, laissant le spectateur se demander si cette scène est une réalité ou un fantasme, un thème récurrent tout au long du film. Cette frontière floue entre les désirs cachés et le monde réel est au cœur du film de Buñuel, qui joue constamment sur les symboles et les illusions.
COMMENTAIRES
« Belle de Jour », réalisé par Luis Buñuel, est basé sur le roman de Joseph Kessel. Il explore la complexité du désir féminin, les fantasmes, et la dissociation entre l’apparence extérieure et les désirs intérieurs, le tout enveloppé dans une atmosphère onirique et surréaliste, caractéristique de Buñuel.
Le sadomasochisme est un thème central et complexe dans le film. À travers le personnage de Séverine, le film explore les nuances de la sexualité, du désir et de la soumission, tout en questionnant les conventions sociales et les dynamiques de pouvoir.
Les Fantasmes de Séverine : dès le début du film, il est clair que Séverine a des désirs sexuels non conventionnels. Ses rêves évoquent des scénarios masochistes, où elle se voit souvent comme la soumise d’un homme dominant. Ces séquences oniriques, qui mêlent réalité et fantasme, révèlent une part de sa psyché qu’elle réprime dans sa vie quotidienne.
La Maison Close : lorsque Séverine commence à travailler dans la maison close, elle entre dans un monde où le sadomasochisme est explicitement pratiqué. Cette nouvelle vie lui permet d’explorer ses désirs refoulés de manière plus directe. En se faisant appeler « Belle de Jour », elle joue un rôle de soumise, ce qui lui procure une forme d’excitation et de libération.
La maison close attire une variété de clients, chacun ayant ses propres goûts et pratiques. Séverine rencontre des hommes qui expriment des comportements dominants, ce qui lui permet d’expérimenter son propre désir de soumission. Un des clients exige d’elle qu’elle joue une dominatrice en respectant un rituel prédéfini, mais elle se montre incapable de le faire.
Relation avec Marcel : le jeune criminel obsédé par Séverine représente une figure de domination qui amplifie ses fantasmes. Sa jalousie et son comportement possessif soulignent la dynamique de pouvoir dans leur relation. Il incarne un type de masculinité brute et dangereuse, qui contraste avec l’image plus conventionnelle de son mari.
Marcel devient de plus en plus possessif, ce qui entraîne des moments de tension et de violence. Bien que Séverine soit attirée par sa nature sauvage, la menace qu’il représente la place dans une position d’angoisse et de danger, ce qui souligne la complexité du désir masochiste.
Ambivalence du Désir : le film joue sur l’ambivalence des désirs de Séverine. Elle éprouve du plaisir dans ses expériences masochistes, mais elle est également consciente de la dangerosité de ces situations. Cette dualité soulève des questions sur le consentement et la dynamique de pouvoir dans les relations.Le sadomasochisme dans le film n’est pas simplement une question de plaisir physique. Il est aussi lié à la libération émotionnelle de Séverine. En explorant ces désirs, elle se libère temporairement des contraintes de son mariage et de la société bourgeoise, même si cela implique une forme de captivité dans ses relations.
La Fin Ambiguë : le film se termine sur une note ambiguë avec la scène où Séverine semble retrouver son mari paralysé, mais le flou entre rêve et réalité persiste. Ce dénouement soulève des questions sur la réconciliation de ses désirs avec la vie « normale » qu’elle a toujours connue. Le sadomasochisme, dans ce contexte, devient une métaphore de la lutte intérieure de Séverine pour concilier ses désirs avec les attentes sociales.
Conclusion : « Belle de Jour » utilise le sadomasochisme non seulement comme un thème érotique, mais aussi comme un moyen d’explorer la psychologie complexe de son personnage principal. Le film met en lumière les contradictions entre le désir, la soumission, et la quête d’identité dans un monde où les normes sociales pèsent lourdement sur la sexualité féminine. Par son exploration audacieuse du sadomasochisme, Buñuel ouvre un dialogue sur le pouvoir, la domination et la sexualité, tout en provoquant le spectateur à réfléchir sur ses propres désirs et tabous.