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Le BDSM et la domination au Cinéma

Maîtresse

Sortie : 1972
Affiche du film Maîtresse

Présentation officielle / Extrait

Titre original : Maîtresse
Réalisation : Barbet Schroeder
Sortie : 1972

Synopsis

Olivier (Gérard Depardieu), jeune provincial sans travail, débarque à Paris et rejoint Mario, un individu un peu louche, qui l’embauche pour faire le porte-à-porte en vendant des livres d’art. Ils font la connaissance d’Ariane (Bulle Ogier), jeune femme qui habite seule au 5ème étage d’un vieil immeuble. Apprenant d’elle que l’appartement d’en dessous est inoccupé, ils reviennent la même nuit pour le cambrioler. Ils y trouvent des vêtements en latex, des instruments de torture et même un homme enchaîné dans une cage. C’est alors qu’ils sont surpris par Ariane, étrangement vêtue de cuir et accompagnée par un impressionnant molosse. qui descend un escalier mobile reliant les 2 appartements.

Ariane est en effet une maîtresse, dominatrice sadomasochiste, et elle utilise l’appartement du bas comme donjon. Elle accroche les cambrioleurs avec des menottes, et reçoit un client venu pour une session. Elle demande alors un petit service de la part d’Olivier, l’aider pendant sa session en urinant sur le visage de son client. Après quoi elle embrasse Olivier furieusement sur la bouche. A la fin de la session, Ariane libère les deux jeunes gens, mais Olivier, subjugué, invite Ariane à dîner. Elle accepte. Ils passent la nuit ensemble, et Ariane décide de prendre sa journée.

Les deux cœurs solitaires s’éprennent l’un de l’autre, Olivier espérant être l’homme fort qui domine une femme vulnérable, mais il se trompe lourdement : elle est plus âgée, plus forte et plus intelligente. Ariane emmène Olivier à la campagne, chez un ami qui possède un château. A peine arrivée, elle rudoie et gifle le domestique en livrée, qui s’avère ensuite être le maître des lieux. Puis elle demande à Olivier de frapper avec sa ceinture une femme invitée, exposée nue au milieu du salon. Olivier apprend alors qu’Ariane a un fils, et qu’un certain Gautier joue un rôle important dans sa vie. Mario revient lui proposer de s’associer avec lui pour soutirer de l’argent à Ariane mais il le jette dehors violemment.

Ariane essaie de garder séparés son idylle avec Olivier et son travail de domina, mais Olivier a du mal à assumer les nombreuses visites d’hommes et ce qu’Ariane fait avec eux. Un jour qu’elle a une session avec plusieurs hommes simultanément (bondage, flagellation, chevauchement, aiguilles, torture du sexe, …), Ariane est prise d’étouffements et doit remonter précipitamment. Olivier la calme et descend avec elle assister à la fin de la séance. Plus tard, dans les rues et les cours d’immeubles, Ariane et Olivier jouent à mettre en scène des relations où Ariane est la soumise.

Olivier, de plus en plus mal à l’aise, cherche à savoir qui est Gautier, à qui il soupçonne Ariane de donner de l’argent. Mais elle lui confie une liasse à mettre sur un compte à son nom à la banque. Les sessions se poursuivent : un jour Ariane interrompt la séance avec un client qui s’est montré violent, et lui interdit de revenir. Une autre fois elle déguise deux soumis en prostituées et leur demande d’aguicher les clients.

Olivier finit par trouver l’adresse des bureaux de Gautier, vient le trouver et exige qu’il lui remette l’argent que lui a donné Ariane. Olivier annonce triomphant à Ariane qu’elle n’a plus rien à craindre de Gautier et que c’est lui qui s’occupe d’elle désormais. Mais furieuse, Ariane met Olivier à la porte et lui dit qu’il a tout gâché et que tout est fini entre eux. Elle lui explique que Gautier est un homme très influent qui la protégeait (et par ailleurs le père de son fils), qu’elle était en train de lui faire accepter qu’elle ait un amant, mais qu’à présent tout est compromis. Le lendemain Olivier tombe sur des déménageurs en train de vider le donjon d’Ariane.

Olivier retrouve l’adresse de Gautier à la campagne. Il récupère l’argent qu’Ariane lui avait confié, le place dans un paquet marqué « je t’aime » dans la boîte aux lettres. Ariane qui l’a vu le rattrape, l’emmène en voiture à travers les bois et ils ont un accident alors qu’ils font l’amour en conduisant. Tous deux en sortent indemnes en riant.

Commentaires

Barbet Schroeder nous introduit dans la vie d’une dominatrice professionnelle, en séparant bien la vie privée d’Ariane de ses prestations SM, la transition étant assurée par l’escalier métallique qui relie les deux appartements.

En préparant le film, Schroeder a rencontré Monique Von Cleef, une dominatrice hollandaise décrivant son métier comme « sadothérapeuthe » faisant œuvre de salubrité publique. Schroeder : »J’ai retrouvé chez d’autres « maîtresses » ce sentiment d’utilité humaine, médicale, qu’elles éprouvaient à faire ce métier, et qui était important pour le personnage d’Ariane. Il fallait éviter de la montrer comme une victime exploitée ayant horreur de ce qu’elle faisait, mais au contraire la représenter comme un être équilibré : c’est le sens de la séquence où Ariane explique à Olivier son métier, son plaisir à le pratiquer ; chaque ligne de ce dialogue a été effectivement prononcé par des personnes vivantes, exerçant ce métier ».

La veine documentaire de Schroeder est donc saillante dans les scènes de domination, jouées par de vrais pratiquants (Bulle Ogier, formidable de séduction opaque, étant doublée pour les scènes les plus techniquement difficiles) : mais il n’y a aucun voyeurisme, le réalisateur sait être clinique. Il a voulu montrer le BDSM non pas comme une simple perversion, mais comme une forme de relation complexe et un moyen d’explorer des facettes profondes de l’âme humaine. Ce qui démarque « Maîtresse », c’est sa capacité à traiter le BDSM non pas comme un spectacle, mais comme une réalité intime, avec une empathie certaine pour ses personnages.

Principales pratiques sadomasochistes dans « Maîtresse » :
Bondage et contrainte physique : le film présente des scènes de bondage, où Ariane utilise des cordes et des chaînes pour attacher ses clients. Le bondage est ici utilisé comme une forme de contrôle physique, symbolisant la perte de liberté des soumis, qui recherchent cette sensation de contrainte pour leur plaisir.

Fétichisme et rôle des objets : Ariane utilise divers objets fétichistes, comme des vêtements en cuir, des bottes et des accessoires spécifiques au BDSM. Ces objets sont à la fois des symboles de pouvoir et des éléments érotiques qui renforcent la dynamique entre dominatrice et soumis.

Punition et douleur consensuelle : plusieurs scènes montrent des pratiques de flagellation et de fessée. Ces actes de punition font partie des demandes spécifiques des clients d’Ariane, qui recherchent une forme de plaisir dans la douleur, un élément clé du masochisme.

Domination psychologique : en tant que dominatrice, Ariane exerce non seulement un contrôle physique, mais aussi un pouvoir mental sur ses clients. Le film met en lumière comment la soumission, dans le cadre du BDSM, peut être autant psychologique que physique. La manière dont Ariane impose son autorité est aussi liée à son assurance, à son calme, et à sa maîtrise des rituels sadomasochistes.

Humiliation : plusieurs scènes impliquent des formes d’humiliation consentie, un autre aspect central du masochisme. Ariane humilie ses clients verbalement et physiquement, répondant à leurs désirs de se sentir abaissés dans un cadre contrôlé.
Exploration du pouvoir et du contrôle : le film met en scène la relation complexe entre pouvoir et soumission. Ariane, en tant que dominatrice, est au sommet de cette hiérarchie, mais sa relation avec Olivier brouille ces lignes. Alors qu’Olivier cherche à comprendre et à accepter le métier d’Ariane, il est confronté à ses propres sentiments de pouvoir et de vulnérabilité.

Le traitement du BDSM dans « Maîtresse » est à la fois explicite et clinique, offrant un regard réaliste et non romantisé sur ces pratiques. Le film explore également l’idée que la douleur et l’humiliation, dans un cadre consensuel, peuvent être des sources de plaisir et de satisfaction pour ceux qui les recherchent.