Synopsis
En l’an 64, l’empereur Néron fait brûler Rome en déclamant des vers, puis rejette la responsabilité sur les Chrétiens : il dresse les citoyens contre eux et les fait arrêter et massacrer. L’apôtre Titus, venant de Jérusalem, rend visite au philosophe Favius et à sa fille adoptive Mercia. Tous trois sont reconnus comme chrétiens dans la rue et menacés d’être lynchés. Le préfet de Rome Marcus Superbus passant à ce moment tombe sous le charme de Mercia, et ordonne qu’ils soient libérés.
La conduite étrange de Marcus est rapportée à l’impératrice Poppée pendant qu’elle prend son bain de lait : Marcus est le favori de Poppée mais a toujours résisté à ses avances sous prétexte de fidélité à l’empereur. De son côté Tigellin, rival de Marcus dans la faveur de Néron, voit dans l’incident un moyen de l’éliminer. L’occasion lui en est bientôt donnée quand le jeune Stéphane, qui vit aussi chez Favius, est arrêté. Torturé, il révèle le lieu du rassemblement des Chrétiens, dans un bois près de Rome.
Tigellin et ses hommes investissent le bois et commencent à massacrer les Chrétiens, Titus et Favius sont tués. Marcus, prévenu, se précipite malgré les efforts de Poppée pour le retenir. Il ordonne que les Chrétiens soient emmenés en prison, puis fait secrètement libérer Mercia qu’il fait emmener chez lui. Tigellin essaie de convaincre Néron de faire arrêter Marcus pour trahison, mais la jalouse Poppée ordonne que seule Mercia soit arrêtée.
Mercia aime Marcus mais se refuse à lui car elle ne veut pas être simplement son jouet ou son esclave. Une orgie a lieu chez Marcus, et ses amis le pressent de leur présenter sa protégée chrétienne. Il la fait donc venir, et la débauchée Ancaria danse autour d’elle une danse lascive. Mais elle est interrompue par les chants des Chrétiens qui sont conduits au cachot de l’arène. Horrifiée, Mercia implore Marcus de la laisser les rejoindre, car elle préfère mourir avec eux plutôt que vivre la vie que lui propose Marcus. C’est à ce moment que Tigellin arrive avec l’ordre d’arrêter Mercia.
Le lendemain, le public prend place sur les gradins de l’arène et regarde, admiratif ou horrifié, les combats des gladiateurs. Puis des condamnés sont livrés à diverses bêtes sauvages. Enfin c’est au tour du groupe de Chrétiens d’être exposés aux lions. Par ordre de Poppée, Mercia est isolée du reste du groupe et doit mourir en dernier. Elle réconforte Stéphane terrifié, l’assurant qu’elle va bientôt le rejoindre.
Marcus vient parler à Mercia, lui demandant une dernière fois de venir avec lui, car Néron a accepté de la gracier si elle abjure sa religion. Elle refuse, mais avoue son amour à Marcus. Celui-ci décide de l’accompagner, et tous deux se dirigent ensemble vers la mort.
Commentaires
Le BDSM dans Le Signe de la Croix, de Cecil B. DeMille, bien qu’il ne soit pas explicitement mentionné ou exploré sous sa forme moderne, est présent à travers les thèmes de domination, de souffrance, de sexualité et de pouvoir, notamment dans le contexte des persécutions romaines contre les premiers chrétiens. Le film, célèbre pour ses scènes provocatrices et sulfureuses, offre une approche symbolique et esthétique de la relation entre autorité et soumission, en intégrant des éléments qui peuvent être interprétés comme une sorte de proto-BDSM.
Contexte de domination et de soumission : l’un des aspects centraux du film est la représentation de la société romaine décadente, où le pouvoir impérial est exercé sans pitié sur les corps et les esprits des citoyens, esclaves et chrétiens. Le rapport de domination et de soumission est ainsi omniprésent, notamment dans les scènes où les Romains exercent leur autorité sur les captifs chrétiens.
La tension entre la soumission des chrétiens et l’autorité violente des Romains peut être vue comme une forme de BDSM structurel, où la douleur et la punition sont infligées en fonction de la position sociale et religieuse. Les scènes de torture, de persécution et de martyre des Chrétiens mettent en lumière la glorification paradoxale de la souffrance. Les chrétiens, dans leur soumission spirituelle, trouvent un pouvoir moral face à la brutalité des Romains, ce qui introduit une dynamique de renversement du pouvoir symbolique.
Érotisme et spectacle de la souffrance : Le Signe de la Croix est connu pour ses séquences visuellement osées pour l’époque, et certaines scènes de sensualité et de violence ont clairement une connotation BDSM, même si elles ne sont jamais explicites. Par exemple, la scène du bain de Poppée, où l’impératrice (Claudette Colbert) se prélasse nue dans du lait, incarne une sensualité dominatrice. Son pouvoir sexuel et politique est lié à sa capacité à contrôler et manipuler ceux qui l’entourent, en particulier les hommes.
De plus, dans les arènes romaines, les Chrétiens sont soumis à des supplices qui sont à la fois brutaux et étrangement ritualisés. Les scènes de gladiateurs, de bêtes sauvages et de tortures publiques exposent les corps à la violence sous un angle presque voyeuriste. La souffrance devient un spectacle destiné à divertir les masses, rappelant certaines formes extrêmes de BDSM où la douleur et l’humiliation sont des éléments centraux du plaisir ou du pouvoir. Dans ce cadre, le film flirte avec l’idée de la souffrance comme spectacle érotique, même si cela reste sous le vernis moral de la damnation de la décadence romaine.
Poppée et l’exercice du pouvoir sexuel : le personnage de Poppée, la femme de Néron, est particulièrement intéressant dans le cadre d’une analyse BDSM. Elle incarne la figure de la dominatrice, utilisant sa position de pouvoir et sa sexualité pour manipuler Néron et exercer un contrôle sur ceux qui l’entourent. Poppée ne subit jamais de violence physique, mais elle exerce un pouvoir psychologique sur Néron, ce qui introduit une forme subtile de domination.
Son interaction avec Mercia, une Chrétienne pieuse dont le désir pour le tribun romain Marcus Superbus crée un triangle de tension sexuelle et spirituelle, est aussi révélatrice. Poppée, jalouse, se plaît à tourmenter psychologiquement ceux qu’elle considère comme des rivaux, jouant sur la manipulation et l’humiliation, des éléments souvent associés aux dynamiques de pouvoir dans le BDSM.
Les arènes : un théâtre de domination brutale. Les scènes des arènes, où des Chrétiens sont jetés aux lions ou soumis à diverses tortures, incarnent le summum de la domination physique exercée par les Romains sur leurs captifs. Ces moments, spectaculaires et cruels, mettent en lumière un aspect fondamental du BDSM : la mise en scène rituelle de la domination et de la souffrance. Dans ce cas, la souffrance est imposée, sans consentement, et vise à renforcer l’autorité de Rome.
Cependant, dans le cadre de la persécution chrétienne, la souffrance volontaire des martyrs peut aussi être vue comme une forme d’appropriation de la douleur, ce qui inverse quelque peu la dynamique du pouvoir. Les martyrs acceptent la souffrance dans un acte de foi, ce qui introduit une nuance : leur soumission n’est pas seulement passive, elle devient une forme de résistance spirituelle.
Censure, tabous et érotisation de la souffrance : le film a été réalisé pendant la période pré-Code, avant que la censure d’Hollywood ne soit strictement appliquée, ce qui a permis à DeMille d’intégrer des éléments plus suggestifs et érotiques. L’érotisation de la souffrance et de la domination est présente, bien que voilée par le cadre historique et religieux. Les scènes de luxure romaine, de flagellation et de violence publique sont filmées avec une sensualité palpable, qui dépasse le simple besoin narratif de représenter la brutalité des Romains.
Bien que le BDSM en tant que pratique moderne n’y soit pas représenté explicitement, Le Signe de la Croix utilise des codes visuels et narratifs qui anticipent certaines esthétiques BDSM : la fascination pour la domination, la soumission, le spectacle de la douleur, et l’ambiguïté morale autour du pouvoir sexuel. La tension entre la pureté spirituelle et la décadence sensuelle des Romains devient un champ de bataille où la souffrance physique et psychologique est centrale.