Synopsis
Le film, adapté du roman autobiographique de Marguerite Duras, se déroule dans les années 1920, en Indochine française. Une jeune fille française de 15 ans et demi (Jane March), issue d’une famille coloniale pauvre, entame une relation avec un riche homme d’affaires chinois d’une trentaine d’années (interprété par Tony Leung Ka-fai). Leur liaison, charnelle et intense, se déroule dans une chambre d’hôtel de Saïgon, à l’abri des regards, mais sous la pression sociale, raciale et coloniale.
Le récit est narré en voix off, avec un ton mélancolique et distant, marqué par la mémoire, le désir et la douleur. Le film alterne entre sensualité frontale, intériorité silencieuse et tension psychologique.
Commentaires
Le cœur du film repose sur une dynamique de pouvoir très asymétrique : l’homme est adulte, la fille est mineure, une tension centrale du récit, rendue plus complexe par la façon dont elle affirme pourtant son désir. Elle est pauvre, presque marginale dans sa propre famille, tandis que lui est fortuné. La relation transgresse les tabous de la société coloniale, mais reste piégée dans ses hiérarchies implicites.
Ces déséquilibres sont le fondement d’une forme de domination implicite dans la relation, mais une domination renversée symboliquement : c’est souvent elle qui provoque, qui guide, qui impose un regard silencieux.
La mise en scène d’Annaud est languide, charnelle, avec des séquences très stylisées, presque photographiques : le rituel des rendez-vous dans la chambre, lieu de transgression, isolé du monde ; les détails sur les vêtements, les textures de peau, les mouvements du corps , une forme d’érotisme contemplatif et fétichiste; les scènes d’attente, d’abandon, de larmes post-coïtales ou de tension passive suggèrent une forme de masochisme psychologique, surtout du côté du personnage masculin, enfermé dans son amour interdit et dans l’impossibilité d’assumer publiquement cette relation.
Sans être un film BDSM explicite, *L’Amant* évoque plusieurs éléments proches de ces dynamiques : le contrôle de l’espace, l’homme possède l’endroit, mais c’est la jeune fille qui en dicte le rythme ; l’inégalité assumée, vécue comme érotique, elle dit qu’elle aime être « achetée », elle se présente comme une « putain », jouant avec les codes de la soumission volontaire ; l’intensité émotionnelle et physique des scènes — entre plaisir, humiliation, culpabilité, rétention du sentiment ; le silence et la non-communication explicite dans leurs rapports renforcent un aspect de jeu de rôle psychologique, presque cérémonial.