Synopsis
Sous le métro aérien de Passy, Jeanne (Maria Schneider), une jeune femme élégante, croise un homme en impérméable à l’air désespéré. Elle monte visiter un appartement à louer, et il est déjà là, visitant l’appartement aussi. L’homme, Paul (Marlon Brando), un Américain, répond à ses questions par des monosyllabes puis, brusquement, la prend dans ses bras, et ils font l’amour furieusement, sans même se déshabiller.
Jeanne court ensuite vers la gare accueillir son fiancé Tom, qui réalise un film de cinéma-vérité sur elle. Paul rentre chez lui dans la chambre d’hôtel où sa femme Rosa vient de se suicider avec un rasoir. Il décide de prendre l’appartement de Passy et y fait livrer quelques meubles. Jeanne, venue rendre les clés, l’aide à les installer. Il lui propose de la revoir mais toujours dans ce même lieu, sans rien savoir l’un de l’autre, même pas leurs noms.
Paul et la mère de Rosa essaient en vain de comprendre le geste de Rosa. Tom poursuit son film, fait parler Jeanne de son enfance, avec son père officiel tué en Algérie. Jeanne et Paul se retrouvent régulièrement dans l’appartement, commencent à évoquer leurs souvenirs d’enfance, mais Paul reste étrangement absent, indifférent. Ils sont de plus en plus attirés sexuellement l’un par l’autre mais ne se voient jamais ailleurs et évitent les conversations trop personnelles.
Paul retrouve l’ancien amant de Rosa dans une autre chambre de l’hôtel, et cherche à comprendre ce qu’elle lui trouvait. De retour à l’appartement avec Jeanne, il la sodomise avec du beurre. Furieuse, elle décide de le quitter. C’est alors que Tom lui propose de l’épouser dans une semaine. Elle accepte avec joie, mais retourne néanmoins auprès de Paul en courant sous la pluie. Paul la persuade de prendre un bain chaud. Jeanne lui avoue qu’elle est amoureuse de Tom, mais finit par lui dire qu’elle est plus attirée par lui.
Paul, dans la chambre où repose le corps embaumé de Rosa, essaie une fois de plus de comprendre qui elle était. Il l’a connue parce qu’elle était la patronne de l’hôtel où il est arrivé à Paris, et découvre qu’il lui arrivait de louer une chambre à une prostituée. Quand Jeanne retourne à l’appartement, elle ne trouve pas Paul, et les meubles ont disparu. Furieuse, elle fait venir Tom pour lui proposer de louer l’appartement, mais il le trouve trop grand.
Paul retrouve Jeanne sous le métro aérien. Cette fois, il lui fait la cour en bonne et due forme, lui dit qui il est, lui parle de sa femme, et l’entraîne dans une salle de tango. Ivres, ils font irruption sur la piste de danse et en sont chassés. Paul lui déclare qu’il l’aime, mais Jeanne comprend que c’est fini, et s’enfuit du club. Paul la poursuit jusqu’à l’appartement de Jeanne. Elle le tue avec le revolver de son père, et imagine déjà ce qu’elle va dire à la police.
Commentaires
Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci est un film provocateur et controversé qui aborde des thèmes tels que la sexualité, l’aliénation et les relations de pouvoir. Porté par les performances mémorables de Marlon Brando et Maria Schneider, le film reste une œuvre marquante de l’histoire du cinéma, mais aussi une source de débats intenses, notamment autour des questions de consentement, tant dans la fiction que dans les coulisses.
Les aspects BDSM ne sont pas explicites dans le sens traditionnel des pratiques BDSM codifiées (avec consentement et règles établies), mais le film explore certaines dynamiques de domination, de soumission et de contrôle psychologique qui peuvent évoquer des thématiques BDSM.
La domination psychologique de Paul sur Jeanne : Paul impose ses règles dès le début de leur relation. Il interdit à Jeanne de connaître son nom, son passé ou ses sentiments. Cette condition établit une dynamique où il détient le pouvoir sur elle, à la fois psychologiquement et émotionnellement. Il traite Jeanne comme un objet de désir, dissociant la sexualité de toute forme de connexion émotionnelle. Ce détachement et cette dépersonnalisation sont caractéristiques de certains jeux de rôle BDSM, bien qu’ici, ils ne soient pas consensuels de manière explicite.
Jeanne accepte initialement ces règles, semblant fascinée par l’intensité de Paul. Cependant, sa soumission est ambiguë : elle oscille entre consentement et manipulation, et elle cherche finalement à reprendre le contrôle. Cette dynamique symbolise une lutte de pouvoir entre deux individus fragilisés par des crises personnelles.
Humiliation et jeux de pouvoir : certaines scènes dans le film s’apparentent à des actes d’humiliation. Paul utilise un langage brut et parfois dégradant envers Jeanne, renforçant son rôle de dominant. Dans une scène, il ordonne à Jeanne de répéter des mots vulgaires, ce qui la place dans une position de soumission verbale.
La célèbre (et controversée) scène du beurre peut être vue comme la mise en acte d’un fantasme de domination sexuelle brute. Paul utilise le beurre comme lubrifiant dans un acte sexuel qui semble imposé, sans consultation préalable avec Jeanne. Bien que cette scène soit problématique sur le plan éthique (dans la fiction et dans la réalité du tournage), elle évoque la dynamique BDSM dans laquelle un partenaire prend le contrôle total, souvent en flirtant avec les limites du consentement.
L’aliénation et la quête d’identité : Paul est un homme hanté par son passé et incapable de trouver un sens à sa vie. Sa quête sexuelle avec Jeanne n’est pas une recherche de plaisir, mais une tentative désesprée de combler un vide intérieur. Jeanne, bien que plus jeune et moins expérimentée, n’est pas une simple victime. Sa relation avec Paul lui offre une échappatoire temporaire, mais elle finit par se heurter à ses propres limites et aspirations. Sa révolte finale est un acte de reprise de pouvoir, mais aussi une démonstration de l’impossibilité de se comprendre mutuellement.
La plupart des interactions entre Paul et Jeanne se déroulent dans un appartement vide et délabré. Ce lieu devient un espace hors du temps, symbolisant leur isolement du monde extérieur. Il est à la fois un sanctuaire et une prison, renforçant l’intensité de leur relation. Bertolucci utilise une lumière tamisée et des couleurs chaudes pour créer une ambiance à la fois intime et oppressante. Cela reflète les contradictions de la relation entre Paul et Jeanne : un mélange de proximité intense et de désespoir latent.
Une soumission ambiguë de Jeanne : bien qu’elle participe aux jeux de domination imposés par Paul, son consentement est flou. Parfois, elle semble fascinée et complice, mais d’autres moments révèlent un malaise croissant. Cette ambiguïté est à l’opposé des pratiques BDSM éthiques, où le consentement explicite est fondamental.
À la fin du film, Jeanne reprend le contrôle en rejetant Paul et en rompant leur lien, allant même jusqu’à le tuer. Cela marque un renversement de la dynamique de pouvoir, où la soumission devient insoutenable.
Les révélations de Maria Schneider selon lesquelles elle s’est sentie manipulée par Bertolucci et Brando ont entaché la réputation du film. L’absence de consentement explicite concernant certains aspects des scènes a soulevé des questions sur les abus de pouvoir dans l’industrie cinématographique. À sa sortie, Le Dernier Tango à Paris a été salué comme un chef-d’œuvre par certains, mais violemment critiqué par d’autres pour son contenu explicite et ses implications morales.
Au-delà de sa dimension érotique, Le Dernier Tango à Paris est avant tout une méditation sur la perte et l’incapacité des individus à se connecter véritablement. Les personnages sont enfermés dans leurs propres douleurs et utilisent le sexe comme une tentative infructueuse de transcender leur solitude.