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Le BDSM et la domination au Cinéma

La femme flambée

Sortie : 1983
Affiche du film la femme flambée

Présentation officielle / Extrait

Titre original : Die flambierte Frau
Réalisation : Robert van Ackeren
Sortie : 1983

Synopsis

Eva (Gudrun Landgrebe), une jeune femme bourgeoise, ne supporte plus la vie que lui offre son mari qu’elle n’aime plus. Elle quitte en plein milieu d’une réception et s’installe chez une amie. Eva a décidé de se prostituer et contacte une certaine Yvonne, qui lui donne quelques conseils et propose de l’aider à trouver des clients moyennant une commission. Yvonne emmène Eva à une soirée spéciale dans un grand hôtel, négocie avec deux hommes, et tous les quatre entrent dans une grande chambre pour la première rencontre tarifée d’Eva.

À la même soirée, Eva tombe sous le charme d’un séduisant jeune homme, Chris (Matthieu Carrière). Elle propose néanmoins ses services à un autre client de l’hôtel et le rejoint dans sa chambre, mais dégoûtée par le mépris qu’il lui témoigne, elle met fin à la rencontre. Elle rejoint Chris et passe la nuit avec lui. Amoureuse pour la première fois réellement, elle s’installe chez lui.

Eva poursuit ses activités avec l’aide d’Yvonne, mais s’interroge sur les motivations des hommes. Avec l’un d’eux, qui voulait la traiter en soubrette soumise, elle commence à inverser les rôles. Elle découvre vite que Chris vend lui aussi ses charmes à des femmes délaissées ou maltraitées par leurs maris.

Le couple s’installe dans une grande maison où chacun peut exercer son activité de manière indépendante. Chris est officiellement galeriste, Eva étudiante en littérature. Chacun se livre alors à son activité : à l’étage Eva, qui se tourne désormais exclusivement vers le rôle de dominatrice, toute harnachée de cuir et fouettant fougueusement ses soumis ; au rez-de-chaussée Chris, qui reçoit parfois des hommes et des femmes en manque d’amour, parfois accompagnées de leur mari.

Mais Chris commence à être jaloux de la complicité qu’il devine entre Eva et certains de ses soumis, et espionne ses séances. Il s’étonne des sommes énormes qu’ils lui donnent pour se faire maltraiter. Eva est épanouie, mais Chris, mélancolique, fréquente les bars gays et retrouve son amant Kurt. Lors d’une grande réception qu’ils donnent chez eux, ils ont une dispute parce que Chris reproche à Eva d’être trop amicale avec ses invités. Il demande à Kurt de ne plus le voir pendant un certain temps.

Kurt fait venir Eva chez lui en se faisant passer pour un client. Il lui explique que l’avenir de Chris est avec lui et son projet de restaurant, et non avec Eva et son métier de gigolo qu’il sera bientôt trop vieux pour exercer. Mais Eva croit encore à sa relation avec Chris, elle accepte d’avoir un enfant avec lui, à condition que ce soit une fille.

Mais quand Eva découvre que Chris a acheté son restaurant avec leur argent à tous les deux, c’en est trop, et elle décide de le quitter. Chris essaie de l’empêcher de partir, devient violent, et finit par verser sur elle une bouteille d’alcool qu’il enflamme. Elle parvient néanmoins à sortir, enveloppée dans son manteau en flamme. On la revoit plus tard, indemne, célébrant sa liberté retrouvée avec Yvonne.

Commentaires

La Femme Flambée est une œuvre qui séduit autant qu’elle dérange, fascinant par son audace visuelle et ses thématiques provocantes. C’est une réflexion acerbe et stylisée sur la place de la femme dans un monde patriarcal où elle doit user de son image comme d’une arme, quitte à y perdre une part d’elle-même. Au centre de cette œuvre, le personnage interprété par Gudrun Landgrebe est à la fois victime et stratège, manipulée et manipulatrice. Cette ambivalence constitue l’essence même du film, qui interroge les dynamiques de pouvoir entre les sexes dans un univers où tout semble se monnayer : le corps, les émotions et l’âme.

Le film se distingue par son esthétique volontairement outrée, où le luxe des décors et l’opulence des costumes accentuent l’impression d’un monde déconnecté de la réalité. Cette stylisation extrême rappelle parfois les mises en scène du théâtre ou de la photographie fétichiste, notamment dans les scènes où le personnage féminin adopte des postures et des tenues qui accentuent son rôle d’objet de désir. La lumière, souvent douce et chaude, contraste avec la froideur des relations humaines présentées, créant une tension presque insoutenable.

Eva incarne une figure fascinante d’empowerment paradoxal. Alors qu’elle est placée dans une position objectifiée par les hommes de son entourage, elle parvient à retourner la situation en utilisant leur désir pour asseoir son propre pouvoir. Pourtant, cette maîtrise apparente est fragile et empreinte de tragédie : elle finit par s’enfermer dans un rôle construit sur le regard des autres, un rôle qui menace de la consumer.

Sous son vernis brillant et sulfureux, La Femme Flambée est profondément mélancolique. Il montre à quel point les jeux de pouvoir, aussi fascinants soient-ils, peuvent isoler ceux qui y participent. La quête du pouvoir par le désir, si elle offre des moments de triomphe éphémère, ne mène qu’à une solitude glaciale, où le lien humain authentique semble impossible.

Thématiques BDSM dans La Femme Flambée

Domination et soumission psychologique : le personnage principal féminin incarne une femme à la fois objet et sujet de désir. Son pouvoir sur les hommes, malgré sa dépendance matérielle ou affective, reflète un jeu de domination subtil, souvent psychologique plutôt que physique.

Esthétique fétichiste : le film utilise une imagerie très stylisée, notamment des vêtements en cuir et des scènes où la femme est placée dans des postures de contrôle ou de vulnérabilité, souvent filmées d’une manière qui met en avant une tension entre pouvoir et désir.

Théâtralisation du pouvoir : certaines scènes sont presque performatives dans leur mise en scène, rappelant les tableaux vivants ou les rituels où l’expression du pouvoir est ritualisée, un élément central dans le BDSM.

Réflexion sur l’objectification : l’idée de la femme comme objet du désir est interrogée dans le film, mais aussi parfois affirmée dans des situations où elle choisit d’exploiter cette objectification à son avantage, ce qui peut être perçu comme une forme de contrôle sur le regard masculin.