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Le BDSM et la domination au Cinéma

Larmes de clown

Sortie : 1924
Affiche du film Larmes de Clown

Présentation officielle / Extrait

Titre original : He Who Gets Slapped
Réalisation : Victor Sjöström
Sortie : 1924

Synopsis

Paul Beaumont (Lon Chaney) est un scientifique heureux en ménage et sur le point de faire une découverte majeure. Mais tout son monde s’écroule le jour où celui qu’il considérait comme son bienfaiteur, le baron Regnard (Marc McDermott), lui vole à la fois sa femme et sa découverte. Le baron s’attribue en effet tout le mérite des travaux devant l’Académie des Sciences, et quand Paul proteste avec véhémence, il est humilié en public par une gifle. De retour chez lui, il comprend que le baron est l’amant de sa femme. Celle-ci lui dit qu’elle ne l’a jamais aimé et le gifle. Voyant que tout le monde se moque de lui, Paul en tire les conséquences : il quitte le monde scientifique pour devenir un clown simplement appelé « Celui qu’on gifle » (He who gets slapped).

Il devient vite la principale attraction du cirque Tricaud, provoquant les éclats de rire avec des déclarations péremptoires telles que « Messieurs, la terre est ronde ! » et en se laissant ensuite gifler par tous les autres clowns du cirque. Paul tombe amoureux de la jeune écuyère Consuelo (Norma Shearer) mais comprend vite que cet amour n’est pas partagé, d’autant plus que la jeune fille est tombée amoureuse de son partenaire Bezano (John Gilbert).

Paul apprend que le comte Mancini, père de Consuelo, en proie à des difficultés financières, veut la vendre au baron Regnard, au grand désespoir de Bezano et Consuelo, et aussi de Paul. Alors que le comte et le baron se retrouvent dans une pièce derrière la scène pour célébrer l’événement avec quelques bouteilles de Champagne, le clown profite de l’occasion pour libérer le lion de sa cage dans la pièce voisine, et vient défier le baron, qui le reconnaît alors, malgré le maquillage. Mancini frappe le clown de sa canne-épée. Le comte et le baron veulent fuir mais en ouvrant la porte ils font entrer le lion qui les dévore l’un et l’autre. Le clown, grièvement blessé, parvient à se traîner sur scène pour faire son numéro avec les autres clowns inconscients de son état, changeant ses déclarations pour glorifier l’amour. Puis il meurt dans les bras de Consuelo qui sera heureuse avec Bezano.

Commentaires

Le personnage de Lon Chaney, régulièrement amoureux déçu de l’héroïne, se caractérise dans tous ses films par un masochisme plus ou moins marqué, qui atteint ici des sommets.
Dans « Larmes de Clown » (« He Who Gets Slapped »), réalisé par Victor Sjöström et basé sur une pièce de théâtre de Leonid Andreyev, le sado-masochisme joue un rôle central dans la tragédie du personnage principal, Paul Beaumont, interprété par Lon Chaney. Le film explore des thèmes de trahison, d’humiliation publique et de souffrance volontaire, dans un cadre où le personnage principal se transforme en clown pour exprimer ses tourments intérieurs.

Humiliation et masochisme volontaire : Paul Beaumont, un scientifique brillant, est trahi par son mentor, le Baron Regnard, qui s’approprie ses recherches et humilie Paul publiquement en lui donnant une gifle. Cette gifle devient un symbole récurrent dans le film, représentant la douleur de Paul et sa chute dans l’humiliation. Après cet événement, Paul abandonne sa carrière et devient un clown dans un cirque, où son numéro consiste à recevoir des gifles répétées. Cette performance, où il est constamment ridiculisé et battu, incarne une forme de masochisme, où Paul accepte et même recherche la douleur publique comme une forme de punition et de catharsis.

Douleur émotionnelle et physique : Le masochisme de Paul ne se limite pas à la douleur physique. Il souffre aussi profondément sur le plan émotionnel, en particulier à travers son amour non partagé pour Consuelo, une artiste de cirque, et son incapacité à se venger de ceux qui l’ont trahi. La combinaison de souffrance émotionnelle et physique renforce la dynamique sado-masochiste du film, où la douleur devient une manière de vivre avec la trahison et l’humiliation qu’il a subies.

Relation de pouvoir et domination : le Baron Regnard, qui trahit et humilie Paul, représente la figure sadique dans cette dynamique. Il exerce son pouvoir sur Paul en le ridiculisant et en usurpant son travail scientifique. La relation entre Paul et Regnard devient une lutte inégale, dans laquelle Paul se soumet à une forme d’humiliation prolongée, à la fois dans sa vie publique et dans son identité de clown. Le fait que Paul continue de jouer ce rôle de clown giflé montre son acceptation de cette domination.

La figure du clown et le masque de la douleur : le personnage du clown est un symbole classique du contraste entre le rire extérieur et la souffrance intérieure, et Lon Chaney donne une interprétation poignante de ce conflit. Derrière son maquillage de clown, Paul cache sa douleur, mais en faisant de la gifle répétée le centre de son spectacle, il transforme cette douleur en un acte de masochisme public. Il semble se complaire dans cette souffrance, tout en la montrant au public sous une forme ludique et théâtrale.

« Larmes de Clown » est une œuvre marquée par des thèmes sadomasochistes profonds. Le personnage principal, Paul, subit une double souffrance physique et émotionnelle, cherchant une sorte de rédemption ou de libération à travers l’humiliation et la douleur qu’il accepte volontairement. Lon Chaney incarne ce masochisme avec une intensité bouleversante, faisant de Paul un homme brisé qui se complaît dans la souffrance plutôt que de chercher à la fuir. Le film illustre ainsi une forme tragique de sado-masochisme, où la douleur devient un mécanisme d’adaptation face à l’injustice et à la trahison.